Entre le samedi 28 octobre et le samedi 4 novembre 2023, la tempête Ciaran s’abattait sur l’Europe et frappait notamment durement le Pays de Galles ainsi que le sud de l’Angleterre et le Finistère, en France. Outre-Manche, les rafales de vent particulièrement violentes laissent des habitants sans électricité et les obligent à rester à l’abri dans leur maison, perturbent le trafic routier, arrachent les arbres et s’accompagnent aussi de plus d’une centaine d’alertes vigilance concernant les crues, le risque d’inondation étant particulièrement élevé. Toutefois, outre les effets dévastateurs de cette dépression explosive et coléreuse, un autre de ses effets préoccupait les Anglais. Les médias rapportaient en effet que cet évènement climatique puissant pouvait aussi… impacter la qualité du thé.
Ce 15 juillet 2024, une étude proposée par des chercheurs britanniques de l’Université de Reading (Angleterre) se penchait sur le sujet et expliquait comment Ciaran avait réussi à rendre le thé insipide.
Comment une tempête violente a-t-elle ruiné le tea time des Anglais ?
« La tempête Ciaran a attiré l’attention sur le vent et la pluie qui s’abattaient sur la Grande-Bretagne. En tant que scientifique, j’ai saisi l’occasion de mesurer les propriétés de l’eau bouillante lorsque la pression atmosphérique est faible », se rappelle Caleb Miller, un doctorant en météorologie à l’université anglais qui co-écrit ces travaux parus dans la revue britannique Royal meteorological Society. Les chercheurs s’en donc rapidement remis à tous leurs outils de laboratoire pour effectuer des mesures précises au département de météorologie.
Et d’après les météorologistes qui ont piloté l’étude, l’effet constaté sur le thé était imputable à la pression tellement incroyablement basse lors de la tempête qu’elle en a battu des records, accusant une chute jusqu’à 956 hectopascals (hPa) à Reading. Ce fut le chiffre le plus bas enregistré à la ville depuis 1989 avec ses 952,1 hPa. D’après le MetDesk, un service météorologique basé à Aylesbury (Angleterre), la pression dans le comté du Buckinghamshire tournait autour des 957 hPa, mais a pu descendre jusqu’à 952 hPa dans certains endroits. À titre informatif, la pression est habituellement de 1 013 hPa. Le phénomène touchait donc différentes parties du Royaume-Uni.
Le 2 novembre 2023, les conditions atmosphériques étaient telles que le point d’ébullition de l’eau, habituellement à 100 °C, était descendu à 98 °C. « Les effets de la pression sur la température d’ébullition sont bien connus des alpinistes, mais Ciaran a produit cet effet sur une large région », explique le Dr Alec Bennett, co-auteur de ces recherches.
Un effet sur le goût du thé
« Comme beaucoup de Britanniques, j’ai besoin de ma tasse de thé du matin. Bien que je sache que le point d’ébullition de l’eau varie en fonction de la pression atmosphérique, je ne m’attendais pas à ce qu’une tempête fasse sortir la température de l’eau bouillante de la fourchette recommandée pour préparer un thé décent. »
En effet, bien qu’une différence de deux degrés seulement dans le point d’ébullition peut sembler anodine, cela peut fortement modifier la manière dont les tanins contenus dans les feuilles de thé vont infuser et ainsi modifier le goût du breuvage. Et lorsque de l’eau bouillie est utilisée pour la préparation du thé, cela peut brûler les feuilles et lui conférer plus d’amertume, voire de l’astringence. Cela peut aussi rendre la saveur plus fade et insipide. En bref, cette boisson presque sacrée chez nos voisins devient beaucoup moins bonne.
Ciaran : quand le changement climatique a un effet direct sur notre quotidien
L’étude estime qu’approximativement vingt millions de personnes à Londres et dans le sud-est de l’Angleterre ont probablement été affectées par cette modification (ou 30 % environ de la population du Royaume-Uni). Or, bien que ces changements aient été temporaires, ils soulignent de manière subtile à quel point notre vie quotidienne peut être affectée par le climat, et ce, au point de changer fortement les conditions atmosphériques et de ruiner les pratiques culturelles d’un pays que chacun pensait acquises.
Si l’on regarde cela d’une manière plus large, ces travaux mettent également en exergue l’importance d’une bonne compréhension des implications des évènements climatiques extrêmes et comment elles peuvent aussi nous affecter directement dans notre vie de tous les jours… même si c’est parfois d’une manière surprenante.
Retrouvez toutes les données de l’étude sur ce site.
