Chute de la tempĂ©rature avec l’altitude : pourquoi l’atmosphère n’est-elle pas aussi instable qu’on pourrait le penser ?

Crédits : Pikrepo.

Le profil moyen de l’atmosphère mĂ©tĂ©orologique montre une nette dĂ©croissance de la tempĂ©rature avec l’altitude. D’aucuns s’attendraient Ă  ce que la Terre subisse une instabilitĂ© convective gĂ©nĂ©ralisĂ©e puisqu’un air froid au-dessus d’un air chaud est a priori une configuration instable. Or, si les orages accompagnent effectivement le quotidien de notre planète, l’activitĂ© observĂ©e est infĂ©rieure (et de très loin) Ă  ce que laisserait craindre le raisonnement prĂ©cĂ©dent. Pourquoi ? 

Chacun connaĂ®t l’adage stipulant qu’un fluide chaud est plus lĂ©ger qu’un fluide froid. Un fait qui s’observe facilement dans la vie de tous les jours. Lorsque l’on met le feu sous une casserole remplie d’eau par exemple. Après quelques minutes, le fluide situĂ© près du fond se met Ă  monter tandis que celui en surplomb entame un mouvement de descente. On parle de mouvement de convection. Le principe est le mĂŞme pour l’air. Parmi d’autres, le concept de cheminĂ©e tire directement parti de ce mouvement convectif.

La mise en mouvement est liĂ©e aux diffĂ©rences de densitĂ© crĂ©Ă©es par le chauffage diffĂ©rentiel. Plus prĂ©cisĂ©ment, les parcelles fluides chauffĂ©es voient leur densitĂ© diminuer et subissent une attraction gravitationnelle moindre. De fait, elles s’élèvent. Inversement pour les parcelles ayant subi un refroidissement. Enfin, prĂ©cisons que les notions de chaud et froid sont relatives Ă  l’environnement.

L’atmosphère : un profil stable malgrĂ© une baisse de tempĂ©rature avec l’altitude

Venons-en à l’atmosphère. Il est bien connu que dans la couche atmosphérique la plus basse (la troposphère), la température diminue avec l’altitude. Et ce à hauteur de 6,5 °C par kilomètre. Notons qu’il s’agit là d’un gradient moyen mais néanmoins représentatif. Si l’on prend une valeur standard de 15 °C pour la surface, le mercure à 5000 mètres afficherait alors -17,5 °C.

température atmosphère
Variation de la tempĂ©rature avec l’altitude (axe de gauche) et de la latitude (axe du bas). Notez le refroidissement Ă  mesure que l’on s’Ă©lève dans la troposphère (partie basse du diagramme). Les valeurs sont donnĂ©es en Kelvin. CrĂ©dits : ECMWF / ERA-40.

Or, compte tenu de ce qui a Ă©tĂ© dit plus haut, il est tentant de conclure qu’un tel arrangement vertical de la tempĂ©rature est instable. De sorte que l’on s’attende Ă  observer une dynamique convective gĂ©nĂ©ralisĂ©e ramenant l’air froid vers la surface et expulsant l’air chaud en altitude. Comme dans une casserole remplie d’eau et chauffĂ©e par le bas.

Dans l’atmosphère, cette convection verticale dite profonde prend la forme d’orages ou de fortes averses. Cependant, son ampleur est de très loin inférieure à ce que laisse craindre le raisonnement précédent. Paradoxal ?

En rĂ©alitĂ©, le profil thermique prĂ©sentĂ© plus haut est stable. Entendre qu’un air froid surplombant un air chaud est une configuration stable peut heurter le bon sens. Toutefois, la surprise s’efface lorsque le rĂ´le-clĂ© de la pression apparaĂ®t. En effet, celle-ci diminue avec l’altitude. Or, l’air Ă©tant compressible, cela signifie que la densitĂ© diminue aussi. Une parcelle d’air de -17,5 °C Ă  5000 mètres ne sera donc pas plus dense qu’une parcelle de 15 °C en surface. C’est mĂŞme largement l’inverse !

La température potentielle ou comment « oublier » la pression

Les météorologues utilisent un paramètre qui permet de faire abstraction de l’influence de la pression sur la température afin d’évaluer la stabilité de l’atmosphère. Il s’agit de la température potentielle. Potentielle car normalisée par la pression atmosphérique en surface (1000 Hpa). La formule est présentée ci-dessous.

Reprenons nos valeurs de (1) 15 °C et (2) -17,5 °C. La formule nous indique que la tempĂ©rature potentielle de (1) est de 15 °C. Rien ne change puisque la rĂ©fĂ©rence a Ă©tĂ© prise en surface. De manière plus intĂ©ressante, elle indique que la tempĂ©rature potentielle de (2) est de 38,5 °C ! En conclusion, si l’atmosphère n’Ă©tait pas compressible, on mesurerait un air bien plus chaud en altitude.

température atmosphère
Idem que prĂ©cĂ©demment, mais avec un profil thermique « oubliant » l’effet de la pression. En moyenne, l’atmosphère est stable. Attention, l’Ă©chelle verticale n’est pas aussi Ă©tendue que dans le graphique prĂ©cĂ©dent. CrĂ©dits : ECMWF / ERA-40.

Ainsi, cette petite dĂ©monstration explique pourquoi l’air n’est pas animĂ© d’une envie irrĂ©pressible et insatiable de convection profonde Ă  grande Ă©chelle. Et heureusement, sinon la mĂ©tĂ©o serait très inhospitalière. En fait, tout se passe comme si la tempĂ©rature augmentait avec l’altitude.

Il reste Ă  expliquer pourquoi les orages existent malgrĂ© tout. L’explication est que, si en moyenne la stabilitĂ© domine, l’atmosphère peut ĂŞtre instable plus localement dans l’espace et le temps. Les mouvements convectifs rĂ©arrangent alors très rapidement la stratification de sorte que le dĂ©sĂ©quilibre vertical ne s’impose jamais Ă  grande Ă©chelle.

Enfin, notons que nous avons omis les effets liés à la vapeur d’eau afin de garder un cadre de réflexion simplifié. De plus, nous avons considéré la convection profonde et non la convection peu profonde (cumulus de beau temps, thermiques bleus, etc.). Le fondement du raisonnement n’en est toutefois pas affecté.

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