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Pour la première fois, le chromosome Y humain est entièrement séquencé

Chromosomes Y
Crédits : Usis/istock

Une équipe de généticiens annonce avoir entièrement séquencé le génome du chromosome Y humain, comblant ainsi les lacunes de sa première ébauche publiée il y a deux décennies. Les travaux révèlent un catalogue complet des gènes du chromosome sexuel masculin et comment ils sont organisés. En quoi cette nouvelle percée est-elle importante ?

Qu’est-ce que le chromosome Y ?

Le chromosome Y est l’une des deux principales catégories de chromosomes sexuels trouvés chez de nombreux organismes. Dans les systèmes de détermination du sexe XX/XY (comme chez les humains), le Y est spécifique aux individus de sexe masculin, tandis que les femmes portent deux chromosomes X.

Le chromosome Y, nommé ainsi d’après sa forme caractéristique, contient donc des gènes impliqués dans le développement des caractères sexuels masculins et dans d’autres fonctions biologiques essentielles. L’un de ces gènes (SRY) code notamment une protéine qui favorise le développement des testicules. Il bloque également le développement des organes féminins tels que l’utérus et les trompes de Fallope.

Une partie du génome du chromosome Y humain avait déjà été publiée en 2003 dans le cadre du projet international de séquençage du génome humain (Human Genome Project). Cette réalisation avait permis de mieux comprendre les gènes et les séquences d’ADN spécifiques contenus dans le chromosome Y ainsi que leur rôle dans la biologie et la génétique humaines. Cependant, ce chromosome est connu pour avoir une structure complexe contenant de nombreuses séquences d’ADN longues et répétitives. Ainsi, jusqu’à présent, les moyens disponibles n’avaient permis d’identifier que moins de 50 % de sa séquence ADN.

En effet, les généticiens qui s’attaquent à un génome ne peuvent le séquencer en une seule fois. Au lieu de cela, ils ne peuvent séquencer que de petits morceaux, puis tout reconstituer. Le problème des séquences répétitives est qu’elles se ressemblent toutes (imaginez reconstituer un ciel bleu dans un puzzle). Le travail de reconstitution est donc plus long et fastidieux. Et souvent, les chercheurs le gardent pour la fin.

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Crédits : Usis/iStock

Un génome entièrement séquencé

Plus récemment, en utilisant une combinaison de technologies de pointe de séquençage de l’ADN et d’apprentissage automatique, ainsi que les connaissances acquises lors du séquençage des 23 autres chromosomes humains, des chercheurs de l’Institut national de recherche sur le génome humain ont enfin pu assembler toutes « les pièces » qui constituent ce fameux chromosome Y. Il en ressort que notre chromosome Y contient 62 460 029 paires de bases d’ADN. À titre de comparaison, le génome de référence le plus récent, GRCh38, ne contenait que 30 millions de paires environ.

Pour rappel, L’ADN est constitué de deux brins enroulés en une double hélice et chaque brin est composé d’une séquence linéaire de molécules de nucléotides. Chaque nucléotide est composé de trois parties principales : un groupe phosphate, un sucre désoxyribose et une base azotée. Les bases azotées sont quant à elles les parties de l’ADN qui interagissent spécifiquement et forment des paires complémentaires entre les brins de la double hélice.

Dans le cadre de ces travaux publiés dans la revue Nature, les chercheurs ont également corrigé plusieurs erreurs intégrées dans cette ébauche la plus récente (GRCh38) et découvert les structures complètes de plusieurs familles de gènes. Certaines seraient notamment impliquées dans la production de spermatozoïdes. Les scientifiques ont par ailleurs identifié 41 nouveaux gènes codants pour des protéines et donné un aperçu des régions non codantes  (ADN satellite). Ces travaux ont enfin permis d’identifier des séquences qui étaient jusqu’à présent souvent confondues avec l’ADN bactérien.

Un logiciel pour plus de diversité

Un autre point important est que ce nouveau génome, appelé T2T-Y, n’a été construit à partir du chromosome Y d’un seul donneur. Le problème est que cela ne donnait pas une image complète de la manière dont il peut varier d’une personne à l’autre. L’équipe a donc développé un logiciel (appelé Verkko) capable d’assembler efficacement les séquences complètes de chromosomes supplémentaires. Les chercheurs l’ont ensuite utilisé pour assembler entièrement les chromosomes Y de 43 hommes issus de populations d’Afrique, des Amériques, d’Asie et d’Europe. Tous avaient fait don d’échantillons d’ADN au projet 1000 Genomes, un projet international visant à créer un catalogue de variations génétiques humaines.

Notez par ailleurs que tous les chromosomes humains partagent un ancêtre commun daté à environ 183 000 ans. Ici, les analyses de tous ces chromosomes Y ont montré que le chromosome Y s’est considérablement diversifié dans sa taille et sa structure au cours de cette période.

Le fait d’avoir pu séquencer ce génome entièrement est donc une véritable percée. L’équipe espère en apprendre davantage sur l’impact fonctionnel que les variations structurelles de cette structure pourraient avoir sur la santé et la maladie. À terme, nous pourrions notamment imaginer le développement de nouvelles thérapies pour traiter les maladies qui pourraient être liées au chromosome Y.

Enfin, le fait d’avoir assemblé les séquences complètes des 43 chromosomes humains dans l’espace et dans le temps aidera également non seulement à étudier l’évolution des chromosomes sexuels, mais aussi l’évolution humaine de manière plus générale.