L’Agence spatiale européenne (ESA) annonce avoir isolé des traces de chlorure d’hydrogène dans l’atmosphère de Mars. Ce gaz n’est pas associé à la vie (bien au contraire). Toutefois, sa présence implique un nouveau cycle chimique que les chercheurs tentent de comprendre.
Pour la première fois, l’orbiteur ExoMars de l’ESA a enregistré des traces de chlorure d’hydrogène (composé d’un atome d’hydrogène et d’un atome de chlore) dans l’atmosphère de la planète rouge. « C’est incroyablement gratifiant de voir nos instruments sensibles détecter un gaz jamais vu auparavant sur cette planète« , s’est enthousiasmé Oleg Korablev, chercheur principal de l’instrument Atmospheric Chemistry Suite, qui a fait la découverte. La grande question que l’on se pose maintenant est : d’où vient-il, ce chlorure d’hydrogène ?
L’origine de ce gaz incolore est encore incertaine, mais les chercheurs ont déjà quelques pistes. Sa présence aurait par exemple pu signifier que la planète est volcaniquement active. Si ce chlorure d’hydrogène avait été produit par une telle activité, il n’aurait en revanche dû se manifester que dans certaines zones et être accompagné par d’autres gaz volcaniques (comme du souffre). Or, ce n’était pas le cas ici.
En revanche, nous savons que cette réaction chimique a été détectée dans les hémisphères nord et sud de Mars pendant l’énorme tempête de poussière enregistrée sur la planète en 2018. C’est d’ailleurs cette énorme tempête qui, on le rappelle, avait eu raison du rover Opportunity que la NASA dut abandonner. Le fait que ce gaz ait été détecté pendant cette énorme tempête de poussière est une véritable piste dans la mesure où cette poussière peut être impliquée dans des processus similaires ici sur Terre.
Interactions surface-atmosphère
Tout d’abord, vous avez besoin de chlorure de sodium (du sel), disponible grâce à des processus d’évaporation. Notez qu’il y en a beaucoup sur Mars issu de restes d’anciens lacs salés. Lorsqu’une tempête de poussière remue la surface, le chlorure de sodium se retrouve projeté dans l’atmosphère.
Ensuite, nous avons les calottes polaires martiennes qui, réchauffées pendant l’été, se subliment. Vous obtenez alors de la vapeur d’eau qui vient se mêler au sel dans l’atmosphère. La réaction résultante libère alors du chlore qui réagit ensuite davantage pour former du chlorure d’hydrogène.
« Vous avez besoin de vapeur d’eau pour libérer le chlore et vous avez besoin des sous-produits de l’eau, l’hydrogène, pour former du chlorure d’hydrogène. L’eau est essentielle dans cette chimie« , confirme le physicien Kevin Olsen de l’Université d’Oxford au Royaume-Uni. « Nous observons également une corrélation avec la poussière : nous voyons plus de chlorure d’hydrogène lorsque l’activité de la poussière augmente, un processus lié au réchauffement saisonnier de l’hémisphère sud« .

Cette hypothèse est également appuyée par une seconde détection de chlorure d’hydrogène enregistrée lors de la saison des « tempêtes de poussière » de 2019, que l’équipe est toujours en train d’analyser.
A priori donc, les chercheurs tiennent une piste sérieuse permettant d’expliquer ce nouveau cycle chimique. De futures observations combinées à des expériences en laboratoire aideront à confirmer ou non les mécanismes potentiels derrière la libération de chlorure d’hydrogène dans l’atmosphère martienne.
Les détails de cette étude sont publiés dans la revue Science Advances.