Une étude récente suggère de nous appuyer sur la chitine contenue dans les exosquelettes d’insectes et de crustacés pour fabriquer des outils et construire des habitats sur Mars.
Après la Lune, plusieurs agences publiques et privées ambitionnent de s’établir durablement sur Mars. Pour ce faire, nous allons alors devoir face faire à de nombreux défis. L’un d’eux sera de proposer des matériaux de construction peu coûteux et capables de s’accorder avec les exigences locales.
Il est inutile par exemple d’envisager la construction d’habitats martiens avec du béton, beaucoup trop gourmand en eau. Les coûts de transport seraient également prohibitifs. La NASA estime en effet qu’il en coûte près de 20 000 dollars pour transporter un kilogramme de matériel en orbite.
Des propositions antérieures ont appelé à s’appuyer sur l’impression 3D avec du ciment Sorel. En mars, un article suggérait de son côté que l’urée, principal composant de l’urine, pouvait être utilisée comme plastifiant dans l’élaboration d’un matériau de construction pour les bases lunaires.
Dans un article récent publié dans PLOS ONE, des chercheurs de l’Université de technologie et de design de Singapour conviennent que la plupart de ces stratégies de fabrication pourraient faire l’affaire. Néanmoins, ils soulignent que toutes nécessitent un équipement spécialisé et une grande quantité d’énergie.
S’appuyer sur la chitine
Dans leur étude, ces derniers proposent une autre alternative : la chitine. C’est l’un des constituants de la cuticule des insectes, des araignées et des crustacés. Elle intègre également les parois cellulaires des champignons ou encore les écailles des poissons.
Dans le cadre martien, la chitine utilisée pourrait davantage provenir d’insectes dans la mesure où ces derniers, compte tenu de leur forte teneur en protéines, pourraient intégrer le régime alimentaire des premiers équipages.
En outre, la chitine des insectes ayant une valeur nutritionnelle limitée pour les humains, son extraction pour fabriquer des matériaux de construction « n’entraverait ni ne concurrencerait l’approvisionnement alimentaire des astronautes« , écrivent les chercheurs les auteurs. Cette matière se présenterait finalement comme un sous-produit de l’alimentation et de la consommation de l’équipage. Objectif zéro déchet.
Preuve de concept
Dans le cadre de leurs expériences, les chercheurs se sont appuyés sur une chimie assez simple. Ils ont pris du chitosane (un polymère organique fabriqué à partir de crevettes) et l’ont dissous dans de l’acide acétique (un sous-produit commun de la fermentation aérobie et anaérobie). Ils ont ensuite mélangé le résultat avec un équivalent minéral du sol martien, un peu d’eau (qui pourrait être extraite in situ) et quelques éléments chimiques de base.
Les chercheurs ont finalement obtenu un matériau de construction chitineux. Pour le tester, ils ont fabriqué plusieurs objets, notamment une clé fonctionnelle qu’ils ont testée en serrant un boulon hexagonal.
Javier Fernandez, principal auteur de l’étude, reconnaît que cette clé n’était pas aussi solide qu’une clé en métal, mais qu’elle serait suffisamment robuste pour effectuer de petites tâches quotidiennes.
Les chercheurs ont également démontré que le matériau pouvait être utilisé comme mortier de fortune pour boucher efficacement un petit trou dans un tuyau, permettant ainsi d’éviter les fuites. Enfin, ils ont imprimé en 3D avec succès un modèle réduit d’habitat martien en moins de deux heures.
Évidemment, ce n’est pour l’heure qu’une preuve de concept. Des travaux supplémentaires seront donc nécessaires pour appréhender la manière dont nous pourrions véritablement utiliser la chitine comme matériau de construction. L’équipe n’a par exemple pas testé ces objets dans des conditions imitant l’atmosphère froide et sèche de Mars.
Malgré tout, à terme, les chercheurs en sont convaincus : ces matériaux seront non seulement essentiels pour notre durabilité environnementale sur Terre, mais aussi pour la prochaine étape de l’évolution : notre transformation en une espèce interplanétaire.