Chimpanzés et gorilles forment aussi parfois des amitiés durables

chimpanzés gorilles
Crédits : Sean Brogan, GTAP/WCS

S’appuyant sur plus de vingt années d’observations au parc national de Nouabalé-Ndoki en République du Congo, des chercheurs ont documenté les liens sociaux entre chimpanzés et gorilles, ces derniers persistant parfois pendant plusieurs années.

Chimpanzés et gorilles se côtoient dans certaines régions d’Afrique centrale. Il y a encore quelques années, nous pensions que ces deux espèces prenaient soin de s’éviter. En réalité, elles passent plus de temps ensemble qu’il n’y paraît. En témoignent ces nouveaux travaux dirigés par Crickette Sanz, anthropologue à l’Université de Washington à Saint-Louis (États-Unis), publiés dans iScience.

Au cours de ces deux décennies d’observations, la chercheuse et son équipe ont en effet enregistré des relations de plusieurs années et d’autres formes d’interactions sociales entre chimpanzés et gorilles du parc national de Nouabalé-Ndoki, en République du Congo.

Tout n’est pas rose, bien entendu. Il y a quelques mois, une équipe avait en effet documenté les premières attaques mortelles de chimpanzés sur des gorilles observées dans la nature. Néanmoins, de manière générale, ces relations restent pacifiques.

Des amitiés parfois durables

Au Congo, l’aire de répartition des chimpanzés chevauche la région abritant une population de gorilles des montagnes. Dès la fin des années 90, le Dr Sanz et son équipe se sont lancés dans une étude longue durée visant à suivre les comportements d’une bande de ces chimpanzés. Au cours d’excursions quotidiennes, les chercheurs ont pu documenter près de trois cent interactions entre les deux espèces. Certaines rencontres ne pouvaient durer qu’une minute, quand d’autres pouvaient durer plusieurs heures.

Souvent, notent les chercheurs, les interactions se produisaient après qu’une bande de chimpanzés ait localisé une source de nourriture savoureuse. Le bruit des chimpanzés excités attirait alors un groupe de gorilles. Dans plus d’un tiers des rencontres, les deux bandes continuaient à se nourrir dans le même arbre, parfois côte à côte.

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Des chimpanzés, à gauche, et un gorille dans le Parc National de Nouabalé-Ndoki, en République du Congo. Crédits : Sean Brogan, GTAP/WCS

La plupart de ces interactions étaient généralement « tolérantes », mais aussi parfois activement amicales. Les plus grands gorilles avaient tendance à approcher les mères chimpanzés plus souvent que les mâles ou les femelles sans enfant, et à jouer avec. Ces relations avaient également tendance à durer. Lorsqu’ils tombaient sur un groupe de chimpanzés, certains gorilles analysaient parfois leur composition puis se dirigeaient vers des individus qu’ils connaissaient, et vice versa.

« Ils ne passent pas tout leur temps ensemble, mais ils se réunissent plus régulièrement que nous ne l’avions prévu« , a déclaré le Dr Sanz. Elle souligne également quelques moments de friction mais, dans l’ensemble, ces interactions agressives n’allaient pas au-delà de simples avertissements vocaux.

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Gorilles et chimpanzés semblaient capables d’identifier les individus des autres espèces. Crédits : Sean Brogan, GTAP/WCS

Risques de transmission

Ces types de regroupements ne semblaient pas aider à éloigner la prédation, mais semblaient ouvrir de nouvelles opportunités d’alimentation, les singes de différentes espèces s’alertant parfois les uns les autres de la présence de fruits difficiles à repérer. Ces interactions, à leur tour, donnent aux primates une chance de nouer des relations durables.

Malheureusement, ce type d’amitiés pourrait également favoriser la transmission de maladies, comme Ebola. La tolérance interspécifique documentée par l’équipe suggère en effet que des épidémies pourraient être capables de sauter entre les populations de grands singes en voie de disparition plus facilement qu’on ne le pensait auparavant.

Enfin, la présence d’interactions pacifiques entre ces deux espèces a des implications intrigantes pour notre propre histoire. Les anthropologues ont en effet souvent supposé que diverses espèces d’hominines n’interagissaient que par souci de concurrence, mais nos ancêtres se sont peut-être également réunis pour partager des ressources. Nous savons par ailleurs que plusieurs espèces se sont déjà croisées, comme Homo Sapiens et Neandertal.