Des chercheurs ont enfin découvert d’où provenait le Xenon de la Terre

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Les comètes ont apporté une partie des gaz nobles sur Terre et notamment du xénon d’après une étude récente publiée dans la revue Science et rendue possible grâce aux données recueillies par la mission Rosetta.

Le xénon est un gaz noble, inodore et incolore. C’est également un gaz atmosphérique rare, mais son origine dans l’atmosphère de la Terre est longtemps restée un mystère. En analysant les données récoltées par la sonde Rosetta lors de ses orbites serrées autour de la comète Tchouri (67P/Tchourioumov-Guérassimenko), une équipe internationale de chercheurs a récemment déterminé que 22 % de ce xénon provenaient des comètes, renforçant une fois de plus les connexions suspectes entre ces corps célestes et l’évolution de notre planète.

Le xénon retrouvé dans l’atmosphère de la Terre contient des isotopes plus lourds que le xénon retrouvé dans le vent solaire ou les météorites. Cette composante plus « lourde » était jusqu’alors inexpliquée. Une équipe internationale incluant notamment Bernard Marty, de l’Université de Lorraine en France, et des chercheurs de l’Université de Berne vient de résoudre l’énigme grâce aux relevés de Rosetta. En 2014, la sonde n’orbitait en effet qu’à quelques kilomètres de la surface de la comète 67 P/Churyumov-Gerasimenko, lui permettant ainsi de « sniffer » le gaz environnant.

En analysant les données, les chercheurs ont alors ont constaté que ces gaz correspondaient étroitement à la composition du xénon lourd terrestre. Plus précisément, des comètes telles que Tchouri auraient contribué à hauteur de 22 % au xénon présent dans l’atmosphère terrestre selon les calculs des scientifiques. C’est la première fois qu’une estimation quantitative de l’apport des comètes à notre atmosphère est publiée.

« Le xénon atmosphérique terrestre est un mélange de xénon de météorites et de comètes et nous connaissons maintenant la composition de chacun », explique Bernard Marty. « Le cocktail qui correspond le mieux à notre atmosphère se compose de 22 % de xénon cométaire, le reste étant du xénon venant des météores. Nous parvenons maintenant à expliquer la provenance du xénon atmosphérique, quelque chose qui échappait aux géochimistes depuis des décennies ».

En plus de faire correspondre les composants lourds du xénon atmosphérique, les échantillons récoltés ont également révélé une quantité surprenante d’un type particulier de gaz, le xénon 129. Sur Terre, les chercheurs ont présumé que la présence de cet isotope résultait avant tout de l’iode en décomposition. Connaissant le taux de désintégration de l’iode, ils utilisaient alors la quantité de xénon-129 pour évaluer le moment où les événements planétaires avaient eu lieu. Mais si 22 % du xénon dans l’atmosphère terrestre fut effectivement transporté par des comètes, les modèles basés sur la désintégration de l’iode ne sont alors plus exacts et surestiment l’âge de l’atmosphère terrestre et de la lune.

Analyser le manteau de la Terre devrait nous donner un indice quant à savoir quand cette « livraison » de xénon eut effectivement lieu. Or, le manteau terrestre ne contient pas de signature cométaire de xénon, de sorte que le xénon dans l’atmosphère moderne doit avoir été « livré » après que le manteau ait cessé d’absorber des gaz de l’atmosphère. À cette époque, il y a entre 4,5 à 3,5 milliards d’années, les comètes auraient alors dû naviguer dans un système solaire traître pour arriver jusqu’ici.

Les astronomes pensent en effet que Jupiter, Saturne, Neptune et Uranus formaient à l’époque une sorte de barrière entre les parties intérieure et extérieure du Système solaire. Leurs champs gravitationnels auraient attiré de petits corps comme ces comètes chargées de xénon, abaissant leurs chances d’arriver vers notre planète. « Mais les comètes proviennent bien du système solaire externe, et nous savons maintenant qu’elles sont venues sur terre », explique Marty, suggérant que si les orbites des planètes géantes ont changé à un certain point environ 100 millions d’années après l’apparition du Système solaire comme les chercheurs le suggèrent, elles auraient alors pu permettre aux comètes de venir jusqu’à la Terre.

Ces comètes auraient alors pu apporter dans leurs bagages non seulement le xénon, mais aussi les éléments volatils cruciaux pour la vie comme l’hydrogène et l’azote. Le Système solaire interne était probablement trop chaud pour que ces éléments ne puissent survivre au nuage de poussière et de gaz à partir duquel la Terre a été formée, il a donc été longtemps postulé qu’au moins une partie de ce matériel a été « livrée » après la formation de la planète par des comètes. « Les comètes auraient pu transporter beaucoup de molécules organiques sur Terre », explique le chercheur. « Cela ne signifie pas que les comètes ont apporté la vie, mais qu’elles auraient pu apporter les briques de la vie ».

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