Ces chauves-souris dissuadent leurs prédateurs en imitant les frelons

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Crédits : Marco Scalisi

Pour éviter de se faire prendre dans les serres d’une chouette, la grande chauve-souris à oreilles de souris (Myotis myotis) imite le bourdonnement d’un frelon en colère. Et visiblement, ça fonctionne. Les détails de cette nouvelle découverte sont rapportés dans la revue Current Biology.

Le mimétisme est un phénomène de tromperie fascinant. Ces traits, parfois très complexes et/ou extravagants, ont le plus souvent évolué pour décourager la prédation. Dans le détail, le « mimique » présente une convergence phénotypique vers un organisme modèle non apparenté, non comestible ou nuisible, de sorte qu’un prédateur donné, ou « récepteur », s’abstiendra d’attaquer ou d’ingérer la mimique.

Traditionnellement, le mimétisme est principalement évident dans le domaine visuel. Dans le cadre d’une étude, des chercheurs de l’Université de Naples – Frédéric-II rapportent un fascinant exemple de mimétisme acoustique, probablement le premier documenté chez les mammifères. Selon Danilo Russo, principal auteur de ces travaux, il s’agit également du premier exemple connu d’un mammifère (une chauve-souris) imitant un insecte (un frelon) pour se protéger d’un prédateur (une chouette).

Les détails de l’étude

Le chercheur entendit pour la première fois le son distinctif de ces grandes chauves-souris à oreilles de souris (Myotis myotis) alors qu’il terminait son doctorat. Il se trouvait alors dans le Latium, une région du centre de l’Italie, où il capturait des spécimens au moyen de pièges à mailles souples. « Lorsque nous sortions les chauves-souris du filet ou les manipulions pour les traiter, elles bourdonnaient comme des guêpes ou des frelons« , explique le chercheur. Il soupçonna alors que ces animaux imitent les frelons pour éviter la prédation. Pour tester son hypothèse, il a donc réuni un groupe de recherche pour effectuer des analyses plus poussées.

Pour ces travaux, l’équipe a comparé les qualités acoustiques des bourdonnements de chauves-souris avec celles de plusieurs insectes piqueurs, dont les frelons européens (Vespa crabro) et les abeilles occidentales (Apis mellifera). Ils ont alors constaté que ces deux insectes produisaient des bourdonnements pulsés très répétitifs lorsqu’ils étaient manipulés par des chercheurs. L’équipe a également intégré le son de plusieurs chouettes et constaté que les bourdonnements des frelons semblaient remarquablement similaires à ceux produits par les chauves-souris.

Les chercheurs ont ensuite fait écouter tous ces sons à des chouettes effraies (Tyto alba) et des chouettes hulottes (Strix aluco) au moyen de haut-parleurs. Ils ont également joué le son de chauves-souris non bourdonnantes comme point de comparaison. La moitié des chouettes avaient été élevées en captivité et n’avaient donc jamais été exposées à des frelons auparavant. L’autre moitié avait en revanche grandi dans la nature.

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Une chouette effraie dans les Pyrénées. Crédits : Luc Viatour

Une vraie arme de dissuasion

Toutes les chouettes ont systématiquement réagi aux bourdonnements de chauve-souris et d’insectes de la même manière, en s’éloignant rapidement de l’orateur. Cette découverte laisse entendre que l’évitement des animaux bourdonnants est câblé dans le répertoire comportemental de ces oiseaux. Cependant, par rapport aux chouettes captives, celles évoluant dans la nature se sont tout de même retirées plus souvent, suggérant que « l’expérience est nécessaire comme renfort« , notent les chercheurs.

Les chouettes avaient en revanche tendance à se déplacer favorablement vers les haut-parleurs laissant échapper des sons produits naturellement par les chauves-souris non bourdonnantes, comme on pouvait s’y attendre de prédateurs à l’écoute d’une proie potentielle.

L’équipe espère maintenant étudier ce type de mimétisme chez d’autres espèces de chauves-souris. Ils soupçonnent que ce phénomène pourrait être plus répandu qu’on ne le croit. Plusieurs autres membres européens du genre Myotis produisent d’ailleurs des appels de détresse pulsés similaires. Ils feraient ainsi de bons candidats pour tester cette hypothèse.