Des chauves-souris capables de se brouiller le sonar

Crédits : jochemy / Pixabay

Des chauves-souris mexicaines ont été observées pour la première fois en train de brouiller le système de localisation de leurs congénères.

Les chauves-souris utilisent l’écholocation pour repérer les obstacles, les prédateurs, leurs congénères et leur prochain repas. À la façon d’un radar, elles écoutent les échos de leurs cris pour localiser les insectes dont elles se nourrissent. L’espèce étudiée, tadarida brasiliensis forme de gigantesques colonies, allant de dizaine de milliers à des millions d’individus. Toutes ces chauves-souris utilisent la même technique pour se repérer, et chacune doit donc pouvoir isoler l’écho de ses cris au milieu de centaines d’autre. Pour se faire, elles utilisent la même technique que celle qui nous permet d’écouter plusieurs stations de radio : elles changent de fréquence. Plusieurs individus peuvent ainsi chasser ou se déplacer dans la même zone sans se gêner, ce qui est crucial quand on vit dans un endroit très peuplé.

Ce système de sonar n’est toutefois pas parfait, et certains insectes ont développé une défense contre l’écholocation : ils diffusent un signal dans les ultrasons sur une large plage de fréquences, empêchant les chauves-souris d’écouter l’écho de leurs cris. Ce brouillage rend l’écholocation plus difficile, et donne une chance à l’insecte de ne pas devenir un repas. C’est la stratégie utilisée par bertholdia trigona, un papillon de nuit courant au sud des États-Unis. Ce petit animal utilise des « clics » ultrasoniques pour échapper à la détection de ses prédateurs ailés. C’est en étudiant cet insecte que Aaron Corcoran, un chercheur à la University of Maryland a découvert un peu par hasard l’astuce utilisée par tadarida brasiliensis.

Ce chercheur étudiait le brouillage des sonars de eptesicus fuscus, une grosse chauve-souris brune présente en Arizona, et tadarida brasiliensis, le papillon brouilleur, quand il a pu observer une colonie de tadarida brasiliensis, dont un des cris ressemblait fortement aux clics utilisés par le papillon pour brouiller ses prédateurs. Il est donc retourné sur le terrain avec des caméras rapides et un ensemble de microphones, qui lui ont permis de déterminer la position exacte des animaux. En observant la chasse des chauves-souris sud-américaines, il a pu déterminer qu’un de leurs cris sert bel et bien à brouiller leurs concurrentes. Ils ont pu confirmer l’hypothèse en diffusant des enregistrements du signal de brouillage à des chauves-souris dans la nature, qui s’est révélé avoir un effet dévastateur sur leurs performances de chasse, diminuant leur probabilité de capturer un insecte de plus de 80 %.

C’est la toute première fois qu’un tel comportement est observé chez les chauves-souris, et sa présence chez brasiliensis peut s’expliquer par le fait que chez cette espèce, la concurrence entre individus pour la nourriture est forte. Reste à savoir à quel point cette stratégie nouvellement découverte est répandue chez les chauves-souris.

Source: Scientific American

– Illustration : PD-USGov