La musique est une expérience universelle qui fait partie intégrante de nos vies émotionnelles, cognitives et sociales. Cependant, la dynamique neuronale précise qui sous-tend la perception musicale restait encore inconnue. Dans le cadre d’une étude passionnante, des chercheurs ont analysé un ensemble de données unique d’électroencéphalographies intracrâniennes de plusieurs patients écoutant une célèbre chanson de Pink Floyd. Ils ont ensuite appliqué une approche de reconstruction de stimulus précédemment utilisée dans le domaine de la parole dans le but de reproduire cette célèbre chanson à partir d’enregistrements neuronaux directs.
Les pouvoirs de la musique
La science a largement étudié les effets de la musique sur les êtres humains ainsi que sur d’autres animaux, ce qui a permis de mettre en lumière ses nombreux bienfaits sur notre santé mentale, émotionnelle et physique.
Nous savons notamment que le simple fait d’en écouter peut influencer positivement les hormones du stress et aider à apaiser le système nerveux, ce qui contribue à réduire les sentiments d’anxiété. La musique a en outre le pouvoir d’améliorer notre humeur en stimulant la libération d’endorphines et peut améliorer les fonctions cognitives telles que la concentration, la créativité et la mémoire. Elle peut enfin réduire la perception de la douleur ou aider à améliorer la qualité du sommeil en créant un environnement relaxant.
Ce ne sont ici que des exemples, mais le fait est que presque toutes les régions cérébrales les plus importantes s’activent en réponse à la musique.
Reconstruire la chanson grâce à l’activité cérébrale
Récemment, des neuroscientifiques de l’Université de Californie, à Berkeley, ont cette fois repoussé les limites en mettant en lumière la dynamique neuronale précise qui sous-tend la perception musicale.
Plus précisément, ils ont réussi à reconstruire le célèbre titre « Another Brick in the Wall, Part 1 » de Pink Floyd à partir d’enregistrements neuronaux directs de l’activité du cortex auditif humain. Autrement dit, ils ont pu inverser l’ingénierie de la réponse neuronale dans la chanson qui a déclenché le stimulus en premier lieu simplement en scannant le cerveau de personnes qui écoutaient la chanson.
L’étude a porté sur 29 patients subissant une électroencéphalographie intracrânienne (iEEG) pour le traitement de l’épilepsie. Au cours de la procédure, les patients ont écouté la chanson pendant que leur activité neuronale était enregistrée. Les chercheurs ont ensuite utilisé une approche dite de reconstruction de stimulus pour voir s’ils pouvaient reproduire la chanson originale à partir de l’activité neuronale seule.
Pour ce faire, les chercheurs ont formé un algorithme d’apprentissage automatique pour identifier les modèles d’activité neuronale qui correspondent à différents aspects de la chanson (mélodie, rythme, paroles, etc.).
Naturellement, la musique reconstruite n’est pas une réplique parfaite de l’originale. Néanmoins, pour ceux qui la connaissent, elle reste clairement reconnaissable et contient des éléments clés de la chanson.
L’hémisphère droit du cerveau plus impliqué
Cette nouvelle étude qui s’est concentrée sur une chanson de Pink Floyd a également fourni d’autres informations intéressantes sur la façon dont le cerveau humain perçoit la musique. Chaque patient avait 2 668 électrodes implantées dans son cerveau, dont 347 captaient une activité neuronale spécifiquement liée à la musique. Celles-ci étaient situées dans trois régions du cerveau : le gyrus temporal supérieur, le cortex sensori-moteur et le gyrus frontal inférieur.
Bien que la musique soit traitée et décodée dans les deux hémisphères, les chercheurs ont ici découvert que l’hémisphère droit était davantage impliqué. Ils ont également découvert pour la première fois qu’une région distincte au sein du gyrus temporal supérieur était responsable du traitement du rythme, notamment de la guitare dans la musique rock. En retirant les électrodes impliquées, la chanson reconstruite était en effet de moins bonne qualité.
À terme, ces travaux pourraient potentiellement mener au développement d’interfaces cerveau-machine, y compris des dispositifs prothétiques visant à améliorer les aspects rythmiques et mélodiques de la parole, dans le but d’aider à restaurer la capacité de communication des personnes qui ont perdu la capacité de parler.