Dans une étude récente, des chercheurs avertissent sur les risques liés au fait de n’évaluer le changement climatique qu’à l’aune de la seule température. En effet, l’humidité de l’air joue un rôle au moins aussi important, que ce soit en termes de bilan énergétique ou d’impacts associés aux évènements météorologiques extrêmes. Les résultats ont été publiés ce 8 février dans la revue PNAS.
Depuis le début de la révolution industrielle, la température moyenne du globe a augmenté d’environ 1,2 °C. Lorsque l’on observe la structure spatiale de ce réchauffement, on constate que les régions polaires gagnent bien plus rapidement en température que les régions tropicales. Aussi, il est tentant de penser que les évolutions sont moins marquées aux basses latitudes.
Toutefois, ce raisonnement repose uniquement sur la chaleur sensible, celle mesurée avec un thermomètre. Il met ainsi de côté toute l’énergie présente sous forme de chaleur latente, c’est-à-dire contenue dans l’humidité de l’air. Or, sous les tropiques, le changement climatique impose une forte réaction du cycle de l’eau. Par conséquent, raisonner uniquement en termes de température peut conduire à minimiser les modifications qui s’y produisent.
Pour ces raisons, un groupe de chercheurs issus d’universités américaines et chinoises a étudié un paramètre plus pertinent qui tient à la fois compte de la température et de l’humidité. Il s’agit de la température potentielle équivalente, bien connue des météorologistes et plus communément appelée thêta-e.
Une variable plus pertinente pour le suivi du changement climatique et des phénomènes extrêmes
Les calculs montrent qu’entre 1980 et 2019, cette dernière a augmenté de 1,4 °C en moyenne mondiale, contre 0,8 °C seulement pour la température sèche. L’écart est encore plus important dans les tropiques avec une hausse de la thêta-e de 4 °C, plus de trois fois celle mesurée par les thermomètres. En effet, le lien entre la pression de vapeur saturante et la température n’est pas linéaire et la croissance se fait beaucoup plus rapidement aux températures élevées.
D’ici à la fin du siècle et au rythme actuel, les modèles projettent une hausse de la température mondiale d’environ 4 °C, correspondant à une augmentation moyenne de la thêta-e de 12 °C. Cette dernière équivaudrait à « une multiplication par 14 à 30 de la fréquence des chaleurs extrêmes, une augmentation de 40 % de l’énergie disponible pour la convection tropicale et une augmentation des précipitations extrêmes allant jusqu’à 60 % », ainsi que le rapporte le papier dans son résumé.
« Cette augmentation de l’énergie latente finit par être libérée dans l’air, ce qui entraîne des phénomènes météorologiques extrêmes : inondations, tempêtes et sécheresses », rapporte V. Ramanathan, l’un des coauteurs de l’étude. « L’humidité est la clé quant à la manière dont la chaleur affecte la santé et le bien-être humains, aujourd’hui et à l’avenir », ajoute Katharine Mach, chercheuse qui n’a pas participé aux travaux.