Selon une étude parue le 6 septembre dernier dans la revue scientifique Environmental Research Letters, d’ici la fin du siècle le coût économique du changement climatique pourrait atteindre une valeur six fois supérieure à celle anticipée jusqu’à présent.
Pourquoi cette importante révision à la hausse ? Ainsi que l’expliquent les chercheurs dans leur papier, les modèles économiques précédents ne prenaient pas en compte des facteurs de long terme qui se révèlent pourtant cruciaux dans le calcul des dommages et donc des coûts. Aussi, la perspective était essentiellement axée sur des effets de court voire de moyen terme.
Croissance économique et PIB mondial
On peut notamment citer la tendance à considérer le changement climatique comme n’ayant pas d’impact durable sur la croissance économique mondiale. Une hypothèse qui n’est plus défendable à l’heure où les observations tendent plutôt à montrer le contraire.
Lorsque cet effet est considéré, le coût climatique équivaut à une chute de 37 % du PIB mondial d’ici la fin du siècle – toutes choses égales par ailleurs*. Une baisse six fois plus importante que les estimations précédentes qui anticipaient une diminution d’environ 6 % seulement. En outre, si les sociétés humaines peinent à s’adapter, la chute pourrait même être encore plus brutale.
« Nous ne savons pas encore exactement quel effet le changement climatique aura sur la croissance à long terme, mais il est peu probable qu’il soit nul, comme la plupart des modèles économiques l’ont supposé », note à ce titre Chris Brierley, un des coauteurs de l’étude.
Une meilleure prise en compte des connaissances sur le changement climatique
Un autre déficit des modèles est de ne pas considérer les rétroactions climatiques ou la variabilité des températures d’une année à l’autre. Deux facteurs qui amplifient également le coût du réchauffement global lorsqu’ils sont pris en compte.
Dans ce cadre, le CO2 peut être associé à un coût socio-économique exprimé en dollars. En tenant compte des connaissances les plus récentes, les chercheurs ont obtenu une valeur supérieure à 3000 dollars par tonne de CO2 émise. Une hausse majeure par rapport aux estimations précédentes qui allaient de 10 à 1000 dollars par tonne de CO2, mais qui reste associée à une grande incertitude.
« Les émissions par personne pourraient très bien entraîner un coût pour l’humanité de plus de 1300 dollars par an, atteignant plus de 15 000 dollars par an une fois que les impacts du changement climatique sur la croissance économique sont inclus », indique Chris Brierley. Malgré un large éventail de coûts possible, les valeurs centrales avancées par les auteurs sont systématiquement plus élevées que celles calculées par le passé.
Or, les politiques et les acteurs économiques fonctionnent actuellement avec ces bases très sous-estimées. Ainsi, les calculs coûts/bénéfices sont fortement biaisés. En Amérique du Nord, les décisions et les arbitrage fonctionnent par exemple avec un coût du CO2 porté à 51 dollars la tonne.
Un prix de l’action bien inférieur à celui de l’inaction
Lorsque l’on refait les calculs en tenant compte des biais évoqués plus haut, le coût final est donc grandement démultiplié. En particulier à cause de dommages économiques plus importants dans les pays du Sud. Un fait qui rappelle encore une fois la situation d’injustice climatique dans laquelle l’humanité se trouve, les pays les moins responsables et les moins résilients étant les plus durement touchés.
« Les résultats confirment qu’il est moins coûteux de réduire les émissions de gaz à effet de serre que de faire face aux impacts du changement climatique, et les dommages économiques dus à la poursuite du réchauffement l’emporteraient largement sur la plupart des coûts qui pourraient être impliqués dans la prévention des émissions aujourd’hui », souligne Paul Waidelich, coauteur du papier.
« Le risque que les coûts soient encore plus élevés qu’on ne le supposait auparavant réaffirme l’urgence d’une atténuation rapide et forte. Cela montre que choisir de ne pas réduire les émissions de gaz à effet de serre est une stratégie économique extrêmement risquée », ajoute le scientifique.
* Notons que ce raisonnement, qui cherche à évaluer le coût climatique, ne prend pas en compte l’impact de l’épuisement des ressources naturelles sur le PIB mondial (pétrole, charbon et gaz en particulier).