Le dérèglement climatique n’augmente pas uniquement le risque de migrations, mais aussi celui d’immobilité, autrement dit d’incapacité à migrer, en particulier pour les populations les plus vulnérables exposées à des contraintes fortes en termes de disponibilité et d’accès aux ressources. C’est du moins ce que soutient une étude publiée dans la revue Nature Climate Change ce 7 juillet.
La question du réchauffement climatique et celle des migrations sont étroitement liées, car à l’image de la faune et de la flore, se déplacer vers des régions moins difficiles à vivre constitue un mécanisme naturel d’adaptation. Le concept parfois controversé de réfugié climatique cristallise ce lien entre mouvements de populations et évolution des conditions environnementales. Citons entre autres la montée du niveau des mers, l’aridification ou encore les évènements de chaleur létale.
Jusqu’à présent, les migrations se sont essentiellement articulées entre les pays du sud. Toutefois, une partie des populations affectées peut également se retrouver en incapacité de bouger. En effet, la raréfaction des ressources devient alors si limitante qu’elle piège les individus sur un domaine géographique devenu inhospitalier. Cette tendance devrait malheureusement s’affirmer dans les décennies à venir comme l’a récemment avancé un groupe de chercheurs franco-américains.

Une immobilité proportionnelle à l’ampleur du changement climatique
À l’aide de modèles couplant le climat et l’économie, que l’on appelle des modèles d’évaluation intégrés, les auteurs ont exploré la manière dont pourraient évoluer les migrations durant ce siècle selon différents scénarios de réchauffement global et de développement économique. En calculant les impacts sur les ressources, ils ont constaté qu’outre les migrations, le changement climatique alimentait dans le même temps son exact opposé : l’immobilité, c’est-à-dire l’incapacité à migrer.
Selon l’ampleur de la hausse du thermomètre et moyennant un développement économique se poursuivant à un rythme proche de l’actuel, l’émigration des populations à faibles niveaux de revenus serait réduite de 10 % d’ici la fin du siècle dans un scénario optimiste et jusqu’à 35 % dans un scénario pessimiste. Aux premières loges de ce risque, on trouve l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne, une partie de la Russie et le sud-est de l’Asie.
« Cet effet rendrait les populations disposant de ressources limitées extrêmement vulnérables aux impacts ultérieurs du changement climatique et à l’augmentation de la pauvreté », rapporte l’étude dans son résumé. Il s’agit d’un sort tragique pour des populations qui n’ont quasiment pas contribué aux émissions historiques de gaz à effet de serre responsables du changement climatique.