Cette reconstruction climatique confirme les calculs de Milankovitch sur les âges glaciaires

carotte de glace
Crédits : NASA's Goddard Space Flight Center/Ludovic Brucker.

Une reconstitution paléoclimatique sans précédent confirme de façon directe un des aspects de la théorie de Milankovitch sur les alternances entre périodes glaciaires et interglaciaires. Les résultats de l’étude dirigée par l’Université du Colorado à Boulder (États-Unis) ont été publiés dans la revue Nature ce 13 janvier.

En analysant des échantillons de glace prélevés en Antarctique de l’Ouest, des scientifiques ont pu reconstituer l’évolution des températures d’été et d’hiver dans la région depuis 11 000 ans. Il s’agit de la première série paléoclimatique de ce type. En plus de restituer avec une grande précision les variations thermiques tout au long de l’Holocène, elle montre que les paramètres astronomiques modulent dans les proportions prévues par le calcul l’énergie solaire qui arrive aux pôles l’été, un paramètre déterminant dans l’initiation ou la sortie d’une glaciation.

Une forte sensibilité du climat polaire à l’insolation estivale

Plus précisément, les résultats confirment les calculs centrés sur la sensibilité du cycle saisonnier aux variations d’insolation, un paramètre qui n’avait encore jamais fait l’objet de confirmation directe à ces échelles de temps. « L’objectif de l’équipe de recherche était de repousser les limites du possible quant à l’interprétation du climat passé », rapporte Tyler Jones, auteur principal de l’étude. « Pour nous, cela signifiait tenter de comprendre le climat aux échelles de temps les plus courtes, en l’occurrence saisonnières, de l’été à l’hiver, année par année, sur plusieurs milliers d’années ».

L’étude montre que la température d’été en Antarctique de l’Ouest a lentement augmenté avant d’atteindre un maximum il y a environ 4000 ans et de repartir à la baisse jusqu’au préindustriel. Cette évolution est la signature du forçage astronomique qui amène un rayonnement solaire plus ou moins puissant en fonction de la position de la Terre sur son orbite et de l’obliquité de son axe. À cet égard le réchauffement récent apparaît comme une interruption brutale du rythme imposé par les facteurs naturels.

glaces Milankovitch
Évolution de la température d’été (rouge), d’hiver (bleu) et de la moyenne annuelle (violet) en Antarctique de l’Ouest depuis 11 000 ans. Plus le delta deutérium est négatif, plus la température est basse. Crédits : Tyler R. Jones & coll. 2022.

Des progrès scientifiques et technologiques

Pour arriver à ces résultats sans précédent, les chercheurs ont analysé les isotopes de l’eau et la façon dont leur rapport était fonction de la profondeur de la glace. On rappelle que plus la glace est profonde, plus elle est ancienne et donc plus elle permet de remonter loin dans le temps. Or, jusqu’à présent, l’utilisation de cette méthode d’analyse permettait d’avoir une résolution annuelle, mais pas saisonnière. Et pour cause, les isotopes ont tendance à diffuser au sein de la glace, ce qui brouille le signal recherché aux échelles de temps plus fines.

Afin de parer à ce problème, les chercheurs ont tiré parti des dernières avancées technologiques et méthodologiques dans l’analyse des glaces polaires tout en sélectionnant des carottages issus de sites marqués par des taux d’accumulations de neige relativement élevés. La raison ? Plus la quantité de neige accumulée est grande, moins la diffusion brouillera la lecture du signal car les isotopes doivent se déplacer sur de plus grandes distances pour atteindre la couche de neige d’une autre saison.

« Même au-delà de cela, nous avons dû développer des méthodes entièrement nouvelles pour traiter ces données, car personne ne les avait jamais vues auparavant. Nous avons dû aller au-delà de ce que tout le monde avait fait dans le passé », note Tyler Jones. « Cette recherche est un sujet auquel les humains peuvent s’identifier, car nous vivons en partie à travers l’alternance des saisons. Le fait de documenter la variation des températures estivales et hivernales au fil du temps nous permet de mieux comprendre le climat », relate le chercheur.