Cette intrigante molécule dans le sang qui attire les prédateurs, et éloigne les proies

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L’odeur du sang est particulière, composée d’un mélange de centaines de molécules odorantes différentes. Mais l’une d’elles attire aujourd’hui les chercheurs : la molécule E2D. Cette seule molécule présente la particularité d’attirer les prédateurs et d’éloigner les proies potentielles.

C’est un peu comme jouer sur deux tableaux. Une odeur chimique contenue dans le sang versé des mammifères serait en effet irrésistible pour les espèces prédatrices, mais provoquerait une réaction très différente chez les animaux chassés. Cette molécule, baptisée E2D, (pour trans – 4,5 – époxy [E] – 2 décénal), se libère lorsque les graisses contenues dans le sang se décomposent après avoir été exposées à l’air. Pas de plaies ouvertes, pas d’E2D révèle donc cette étude publiée dans Scientific Reports. L’Homme, par ailleurs, serait également concerné (nous sommes des mammifères, après tout). Mais contrairement aux loups, aux tigres ou aux chiens sauvages, nous nous rangeons visiblement dans la seconde catégorie. D’où notre aversion pour le sang.

Cette molécule fut identifiée par des chercheurs de l’Université de Linköping en Suède en 2014, qui l’ont isolée du sang de cochon. Ils avaient alors testé son effet olfactif sur trois espèces de chiens sauvages et quelques tigres de Sibérie, en badigeonnant de sang des bûches de bois. Les chercheurs de l’Université Radboud et de l’Institut Karolinska, en Suède, sont ici allés plus loin, évaluant l’effet de cette molécule sur des espèces taxonomiquement éloignées. L’étude s’est notamment penchée sur les humains, les loups, les souris et les mouches hématophages. Les recherches ont tout d’abord montré que les mouches « suceuses de sang » appréciaient son odeur, autant que les loups. Cette attirance s’est néanmoins rapidement détournée en aversion chez les souris, de même que chez les humains.

En présence de cette odeur (métallique), les Hommes présentent en effet une réponse d’évitement automatique initiée par « un mouvement d’inclinaison de la tête vers l’arrière », notent les chercheurs (une réaction observée chez une quarantaine de volontaires). Nous transpirons également plus. Cependant, « ce n’était pas parce que les participants pensaient que l’odeur était désagréable ». Il s’agissait là d’une réaction instinctive, un geste de recul que les chercheurs interprètent comme « un signe d’aversion pour l’odeur ». Dans une expérience de suivi, les chercheurs ont également montré que l’odeur de cette molécule avait induit une augmentation de la vigilance visuelle et de l’attention.

D’autres recherches devront être menées, notamment pour comprendre cette réaction d’éloignement observée chez les sujets humains. Nous sommes aujourd’hui considérés comme des prédateurs mais cette réaction pourrait puiser ses origines chez un ancêtre humain précoce qui évoluait il y a plusieurs millions d’années, passant d’un régime végétarien et insectivore à un régime omnivore, devenant un « prédateur opportuniste ». « Nous sommes aujourd’hui devenus des prédateurs majeurs », notent les chercheurs, « mais naturellement, nous ne sommes pas les meilleurs prédateurs ». Dans un passé lointain, l’odeur de cette molécule signalait ainsi à cet ancêtre une menace. Une aversion sans laquelle ce dernier pouvait alors finir dans l’estomac d’un prédateur s’il ne quittait pas la zone dans les plus brefs délais.

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