hélicoptères mars
Crédits : AeroVironment/YouTube

Cette manœuvre « impossible » pourrait révolutionner l’exploration de Mars dès 2028

Un petit hélicoptère devait voler cinq fois sur Mars et s’arrêter là. Trois ans plus tard, après 72 vols triomphaux, Ingenuity a tellement impressionné les ingénieurs qu’ils envisagent maintenant l’impensable : larguer six hélicoptères d’un coup dans l’atmosphère martienne, sans parachute ni protection, en comptant sur leur capacité à démarrer en plein vol pour survivre. Cette audacieuse manœuvre baptisée « Skyfall » pourrait transformer notre approche de l’exploration spatiale et accélérer l’arrivée des premiers humains sur la planète rouge.

Le pari fou qui a tout changé

Quand la NASA a glissé Ingenuity dans les bagages du rover Perseverance en 2020, personne n’imaginait assister à une révolution. Ce petit démonstrateur technologique pesant moins de deux kilos n’était qu’un test : prouver qu’une machine volante pouvait fonctionner dans l’atmosphère téléspherique de Mars, cent fois plus fine que celle de la Terre.

Le cahier des charges était modeste : cinq vols en un mois terrestre, histoire de valider le concept. Mais les ingénieurs avaient vu trop large dans leurs calculs de sécurité. Ingenuity s’est révélé tellement robuste qu’il a continué à voler pendant plus de mille jours, multipliant par quinze la durée de mission prévue. Seul un atterrissage raté qui a brisé ses rotors a finalement mis fin à cette épopée extraordinaire.

Cette sur-performance a donné des idées audacieuses à la NASA et à ses partenaires industriels. Si un hélicoptère peut dépasser si largement les attentes, pourquoi ne pas en envoyer plusieurs d’un coup ?

Six hélicoptères dans une capsule suicide

AeroVironment, en collaboration avec le Jet Propulsion Laboratory de la NASA, propose désormais une mission qui défie l’entendement : Skyfall. Le concept semble sortir tout droit d’un film d’action, et ce n’est probablement pas un hasard si le nom évoque l’univers de James Bond.

L’idée révolutionnaire consiste à embarquer six hélicoptères dans une capsule blindée, protégée par un bouclier thermique capable de résister à l’entrée hypersonique dans l’atmosphère martienne. Jusqu’ici, rien d’extraordinaire : c’est la procédure standard pour tout atterrissage martien.

Mais ensuite, tout bascule. Au lieu de déployer un parachute et de faire atterrir une sonde en douceur, la mission prévoit de révéler les hélicoptères encore en vol, à plusieurs kilomètres d’altitude. Ces machines autonomes devraient alors démarrer instantanément et s’éloigner de la capsule condamnée à s’écraser, pour entamer leur propre descente contrôlée vers la surface.

Cette « manœuvre Skyfall » représente un bond technologique considérable : réussir un démarrage à froid en atmosphère martienne, coordonner six appareils simultanément, et tout cela sans possibilité de rattrapage en cas d’échec.

Une exploration démultipliée

Les avantages potentiels justifient cette prise de risque apparente. Six hélicoptères opérant de concert peuvent couvrir un territoire incomparablement plus vaste qu’un rover solitaire. Équipés de caméras haute résolution et de radars souterrains, ils constitueraient une véritable armada d’exploration capable de cartographier une région entière en quelques semaines.

L’objectif dépasse la simple curiosité scientifique : cette mission vise à préparer l’arrivée des premiers astronautes. Les hélicoptères rechercheraient des sites d’atterrissage optimaux, localiseraient les ressources essentielles comme l’eau et la glace, et établiraient une cartographie précise des dangers potentiels.

William Pomerantz, responsable des projets spatiaux chez AeroVironment, y voit « une approche révolutionnaire, plus rapide et plus abordable que tout ce qui a été réalisé auparavant ». La suppression des systèmes d’atterrissage complexes permettrait effectivement de réduire drastiquement les coûts et la complexité des missions.

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Crédits : AeroVironment/YouTube

Les défis à surmonter

Malgré son audace, le projet Skyfall soulève encore des questions techniques majeures. Comment ces hélicoptères communiqueraient-ils avec la Terre sans rover ou atterrisseur pour servir de relais ? Ingenuity dépendait entièrement de Perseverance pour transmettre ses données, un luxe dont ne disposeront pas ces explorateurs volants autonomes.

La fenêtre de lancement de 2028 semble ambitieuse, mais elle correspond à un alignement orbital favorable entre la Terre et Mars. Si AeroVironment tient ses promesses, nous pourrions assister dans quatre ans à l’une des manœuvres les plus spectaculaires de l’histoire de l’exploration spatiale.

Une chose est certaine : Ingenuity a ouvert une voie que personne n’imaginait il y a encore quelques années. Skyfall pourrait bien transformer cette piste d’essai en autoroute vers Mars.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.