Au début des années 1960, le géologue français Michel Siffre a mené une expérience hors du commun. Le but ? Prouver qu’il existe une horloge interne chez les humains, imposant un rythme de 24 heures à leur organisme.
Qu’est-ce que l’horloge circadienne ?
L’horloge circadienne soumet notre organisme à un cycle de 24 heures. Elle régule des fonctions très diverses telles que la température corporelle, la pression artérielle, la production d’hormones, la fréquence cardiaque et surtout le système veille/sommeil. Cela joue également un rôle sur nos capacités cognitives, notre humeur ou encore notre mémoire.
Pratiquement toutes les fonctions biologiques sont soumises à ce rythme. Par exemple, l’horloge circadienne fait que la sécrétion de mélatonine débute dès la fin de journée pour un sommeil plus profond durant la nuit. La température du corps est plus basse tôt le matin et plus élevée en journée et les contractions intestinales baissent la nuit. L’éveil est à son maximum du milieu de la matinée jusqu’en fin d’après-midi et se renforce pendant le sommeil.
Une expérience hors du commun
Au début des années 1960, l’affaire fait grand bruit : Michel Siffre, jeune géologue français de 23 ans est extrait par des spéléologues du gouffre de Scarasson, dans le massif du Marguareis (Alpes Ligures). En pleurs et complètement épuisé, l’intéressé vient d’effectuer une expérience scientifique qui sort de l’ordinaire. Celle-ci viendra apporter des informations cruciales dans un domaine encore peu exploré : la chronobiologie.
Le 17 juillet 1962, Michel Siffre entre dans le gouffre sans repères temporels. Il n’embarque donc aucune montre ou radio. Après trois heures de descente, le scientifique installe sa tente à une profondeur d’environ 100 mètres où la température est de 3°C et l’hygrométrie de 98 %. Il y fait donc très froid, très humide, mais également très sombre. Michel Siffre y restera deux mois complets avant de revoir la lumière du jour.
Pour le géologue, ces conditions sont selon lui idéales afin d’étudier les réactions physiologiques et évidemment l’évolution du rythme veille-sommeil en l’absence de tout repère temporel. Toutefois, l’homme dispose tout de même d’un seul moyen de communication avec l’extérieur à savoir une ligne téléphonique, dont il se servira notamment pour donner des informations sur le début et la fin de chacun de ses cycles de sommeil et prises de repas.
Rythme décalé et perte de mémoire
Durant ces deux mois, l’humidité glaciale est le principal ennemi de Michel Siffre. Cette dernière envahit tout : sa tente, son duvet, ses vêtements et son tapis de sol. Rapidement, le géologue entre dans un état de semi-hibernation. Il perd alors toute notion de l’alternance des jours et des nuits. L’équipe qui suit l’avancée de son expérience comprend alors que le rythme biologique du chercheur subit un décalage. En effet, l’intéressé se couche et se réveille un peu plus tard chaque jour. À terme, son rythme s’est inversé par rapport à celui de la surface.
Michel Siffre est également en proie à des altérations de la mémoire. Il a généralement du mal à se souvenir de ce qu’il a mangé durant la journée et son équipe a été surprise de le voir passer un disque de Luis Mariano une dizaine de fois de suite ! Par ailleurs, lors de sa sortie le 14 septembre 1962, Michel Siffre pense être le 20 août. Ainsi, le temps que le géologue a perçu l’intérieur s’est déroulé pratiquement deux fois moins rapidement.
Cette expérience extrême a donné lieu à une découverte importante et surtout universelle. Peu importe ses temps de veille et de sommeil, le chercheur s’est réveillé toutes les 24h30, montrant l’existence d’une horloge circadienne chez les humains. En effet, ce rythme vital est toujours là, même en l’absence de repères temporels. Enfin, Michel Siffre effectuera deux autres expériences similaires en 1972, dont la dernière en 1999 à l’âge de 60 ans.