Pendant des décennies, la courbe du bien-être mental semblait immuable : un déclin progressif jusqu’à la quarantaine, puis une remontée avec l’âge. Mais une étude internationale publiée dans PLOS One vient de bouleverser cette image familière. Elle révèle que la fameuse « bosse du malheur », longtemps considérée comme universelle, s’est évanouie. Et surtout, elle pointe un phénomène inquiétant : la véritable crise se joue désormais chez les jeunes adultes, bien avant l’âge mûr.
Une tendance mondiale qui bouscule les certitudes
Les chercheurs du Dartmouth College, de l’University College London et de l’Institute for Fiscal Studies ont analysé des millions de réponses à des enquêtes menées aux États-Unis, au Royaume-Uni et dans 44 autres pays. Pendant des décennies, le constat était le même : le bien-être mental atteignait son point le plus bas vers 40 ou 50 ans avant de remonter progressivement.
Mais les données les plus récentes racontent une autre histoire. Aux États-Unis comme au Royaume-Uni, le pic de mal-être à la quarantaine a tout simplement disparu. Les adultes d’âge mûr et les seniors affichent désormais une santé mentale stable, parfois meilleure que celle des jeunes générations. Ce constat ne se limite pas au monde anglophone : les données du Global Minds Project, couvrant près de deux millions de réponses dans 44 pays, confirment la tendance à l’échelle mondiale.
Au lieu d’une crise centrée sur la quarantaine, les chercheurs observent aujourd’hui une détresse grandissante chez les moins de 25 ans, marquée par l’anxiété, la dépression, le désespoir et même des pensées suicidaires. Une inversion historique qui inquiète les spécialistes.
Génération Z : la nouvelle zone de turbulence
Les causes de ce basculement ne sont pas encore totalement comprises. Les chercheurs avancent plusieurs pistes. La pandémie de COVID-19 a laissé des traces profondes sur le moral des jeunes, isolés à une période clé de leur vie sociale et éducative. Les incertitudes économiques, la précarité de l’emploi et la flambée des prix du logement pourraient aussi peser lourd sur cette génération, qui entre dans l’âge adulte avec moins de sécurité que ses aînés.
Les réseaux sociaux et les smartphones sont également dans le viseur. De nombreuses études associent leur usage intensif à une augmentation des troubles anxieux et dépressifs, notamment chez les jeunes femmes. La comparaison sociale permanente, la cyberintimidation et la surcharge d’informations pourraient accentuer ce mal-être.
Quelles qu’en soient les causes, ce changement de paradigme interroge les systèmes de santé publique. Les politiques de prévention et de prise en charge, historiquement orientées vers les adultes d’âge mûr, devront s’adapter à une crise qui frappe désormais beaucoup plus tôt.

Une alerte pour les décideurs et la société
Les auteurs de l’étude insistent : cette évolution n’est pas une simple curiosité statistique. Une détérioration durable de la santé mentale des jeunes générations pourrait avoir des conséquences profondes sur l’éducation, l’économie et la cohésion sociale.
La disparition de la crise de la quarantaine ne signifie donc pas que le monde va mieux. Elle signale plutôt un déplacement inquiétant du mal-être vers une tranche d’âge plus vulnérable, à un moment où les individus construisent leur vie professionnelle, sociale et familiale.
Pour les chercheurs, il est urgent de mieux comprendre les causes de cette crise de la jeunesse et d’y répondre avant qu’elle ne s’enracine durablement. L’enjeu dépasse la santé mentale individuelle : c’est l’avenir même d’une génération qui se joue, avec tout ce que cela implique pour les sociétés de demain.
