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Le rover Spirit de la NASA a capturé ce panorama martien en 2006. NASA/JPL-Caltech/Université Cornell/Université d'État de l'Arizona

Cette erreur de physique élémentaire coûte des milliards à l’exploration spatiale !

Une équipe de chercheurs de l’Université du Wisconsin-Madison révèle que les agences spatiales mondiales, incluant la NASA et l’Administration spatiale chinoise, ont fondamentalement mal compris la physique des autres corps célestes lors de la conception de leurs rovers. Cette erreur méthodologique majeure expliquerait pourquoi tant de missions d’atterrissage échouent encore aujourd’hui. L’étude, publiée dans le Journal of Field Robotics, remet en question des décennies de pratiques établies dans l’exploration spatiale.

L’énigme des échecs répétés

Malgré les progrès technologiques considérables, l’exploration robotique du système solaire demeure semée d’embûches. Les atterrissages ratés sur la Lune se multiplient, tandis que sur Mars, le rover Spirit de la NASA a connu une fin prématurée après s’être enlisé dans du sable mou, ses roues ayant percé une croûte superficielle plus fragile que prévu.

Ces incidents ne relèvent pas de la malchance ou de défaillances techniques isolées. Ils révèlent une lacune fondamentale dans notre approche de l’exploration spatiale : une incompréhension systématique de la façon dont la gravité réduite affecte non seulement nos machines, mais aussi les surfaces sur lesquelles elles évoluent.

Une approche de test défaillante depuis des décennies

Traditionnellement, les agences spatiales testent leurs rovers dans des environnements terrestres supposés analogues : déserts, terrains aménagés comme le célèbre « Mars Yard » du Jet Propulsion Laboratory. Pour compenser la gravité réduite de Mars (environ 38% de celle de la Terre), les ingénieurs allègent leurs prototypes de test.

L’exemple du rover Curiosity illustre parfaitement cette méthode : son prototype terrestre fut délesté de 567 kilogrammes, passant de 907 à 340 kilogrammes pour reproduire son poids martien. Cette approche semblait logique et fut appliquée pendant des années par toutes les agences spatiales.

Bryan Martin, responsable des logiciels de vol au JPL, résumait cette philosophie : « Nous testons énormément pour déterminer ce qu’il faut éviter. Ce que nous avons traversé en sécurité ici permet aux pilotes de rovers de planifier leurs trajets sur Mars. »

L’erreur cachée dans l’équation

L’équipe de Dan Negrut a identifié le défaut fatal de cette logique : en ne modifiant que la masse du rover, les ingénieurs oublient que la gravité terrestre continue d’agir sur le sol de test avec sa force normale. Résultat : le terrain terrestre conserve une résistance et une cohésion supérieures à ce qu’elles seraient réellement sur Mars ou la Lune.

« L’idée est simple rétrospectivement », explique Negrut. « Nous devons considérer non seulement l’attraction gravitationnelle sur le rover, mais aussi l’effet de la gravité sur le sable pour mieux anticiper les performances lunaires. »

Sur Mars, chaque particule de poussière et de sable subit une attraction gravitationnelle trois fois moindre que sur Terre. Cette différence modifie radicalement les propriétés mécaniques du sol : sa limite d’élasticité, sa résistance au cisaillement, sa capacité à supporter le poids d’un rover.

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Photographie prise par le rover Spirit de son atterrisseur sur la surface de Mars le 18/19 janvier 2004 (Spirit sol 16). Crédits : NASA/JPL

Des simulations révélatrices

Travaillant sur la mission VIPER (aujourd’hui annulée), l’équipe a utilisé Project Chrono, un simulateur de physique open source. Les résultats ont révélé des écarts significatifs entre les performances prévues lors des tests terrestres et celles simulées dans des conditions lunaires réalistes.

Ces simulations ont également mis en évidence que les tests sur roues individuelles fournissent des données plus fiables que ceux sur rovers complets, et que la réduction de masse des prototypes pourrait même être superflue dans certains cas.

« Le véhicule nominal a produit les mêmes courbes de glissement en fonction de la pente sur la Lune et sur Terre« , note l’étude, suggérant que conserver la géométrie originale du rover pourrait être plus pertinent que modifier sa masse.

Une révolution méthodologique nécessaire

Cette découverte impose une refonte complète des protocoles de test. Les futures missions devront s’appuyer massivement sur des modèles de terramécanique intégrant la physique des environnements à gravité réduite, plutôt que sur des analogies terrestres approximatives.

L’enjeu dépasse la simple amélioration des performances : chaque échec de mission représente des centaines de millions d’euros perdus et des années de recherche anéanties. Plus fondamentalement, ces erreurs ralentissent notre compréhension scientifique du système solaire.

Vers une nouvelle ère d’exploration

« Il existe certains types d’applications pertinentes pour la NASA et l’exploration planétaire que notre simulateur peut résoudre, contrairement aux outils des grandes entreprises technologiques« , souligne Negrut avec enthousiasme.

Cette révélation arrive à un moment crucial, alors que l’exploration spatiale s’intensifie avec les programmes Artemis, les missions martiennes chinoises et les projets d’exploration des lunes de Jupiter et Saturne. Corriger cette erreur fondamentale pourrait considérablement améliorer les taux de succès des futures missions et accélérer notre expansion dans le système solaire.

La leçon est claire : explorer d’autres mondes exige de repenser entièrement notre relation à la physique, même la plus élémentaire.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.