Une récente étude nous décrit comment une bactérie engloutissant des métaux, Cupriavidus metallidurans, parvient à ingérer des composés métalliques toxiques pour finalement produire de minuscules pépites d’or.
Transformer un métal toxique en or, pas de problème pour Cupriavidus metallidurans. Parmi leurs nombreux rôles dans la vie sur Terre, il s’avère en effet que certains microbes sont également des experts dans la purification des métaux précieux. Une équipe internationale de chercheurs met aujourd’hui en lumière comment cette bactérie, découverte en 1976, parvient à produire de l’or en ingérant des composés métalliques toxiques.
Tout comme de nombreux autres éléments, l’or peut suivre un cycle biogéochimique : il se dissout, se déplace et se concentre de nouveau dans les sédiments de la terre. Les microbes, d’une importance capitale dans la mécanique du vivant, sont également impliqués dans chaque étape de ce processus. Mais alors, comment ces bactéries font-elles pour ne pas s’empoisonner avec ces composés hautement toxiques ? Comment font-elles pour « détoxifier » les éléments ?
C. metallidurans prospère dans les sols qui contiennent à la fois de l’hydrogène et une gamme de métaux lourds toxiques. D’une part, cela signifie que la compétition avec d’autres organismes facilement empoisonnés dans un tel environnement se fait rare. « Si un organisme choisit de survivre ici, il doit trouver un moyen de se protéger de ces substances toxiques », explique le microbiologiste Dietrich H. Nies, de l’Université Martin Luther de Halle-Wittenberg (Allemagne) et principal auteur de cette étude.
Il s’avère que la bactérie possède un mécanisme de protection assez ingénieux, qui implique non seulement de l’or, mais aussi du cuivre. Les composés contenant ces deux éléments peuvent facilement pénétrer dans les cellules de C. metallidurans. Une fois à l’intérieur, ils interagissent de telle sorte que les ions de cuivre et d’or sont transportés profondément à l’intérieur de la bactérie, où ils pourraient potentiellement faire des ravages. Mais pour faire face à ce problème, les bactéries emploient des enzymes pour déplacer les métaux incriminés hors de leurs cellules.
Pour le cuivre, cette enzyme est appelée CupA. Mais la présence de l’or entraîne un nouveau problème. « Lorsque des composés d’or sont également présents, l’enzyme est supprimée et les composés toxiques de cuivre et d’or restent à l’intérieur de la cellule », explique Nies. À ce stade, d’autres bactéries pourraient simplement abandonner et aller vivre dans un environnement moins toxique, mais pas C. metallidurans. Cet organisme possède en fait une autre enzyme pour jouer en sa faveur, que les scientifiques ont étiquetée CopA.
Avec cette molécule, la bactérie peut convertir les composés de cuivre et d’or en composés qui seront alors moins facilement absorbés par la cellule. « La bactérie est moins empoisonnée, et l’enzyme qui pompe le cuivre peut ensuite éliminer l’excès de cuivre sans entrave », note le chercheur. Non seulement ce processus permet au microbe de perdre tout ce cuivre indésirable, mais il en résulte également de minuscules nanoparticules d’or sous forme de pépites sur la surface bactérienne.
Dans la nature, C. metallidurans joue ainsi un rôle clé dans la formation de l’or dit secondaire, qui émerge à la suite de la décomposition des minerais d’or primaires, créés géologiquement. Il transforme les particules d’or toxiques formées par le processus d’altération en particules d’or inoffensives, produisant ainsi des pépites d’or.
En plus de cette incroyable capacité d’adaptation de la nature (encore), cette prouesse biologique pourrait effectivement être utilisée à bon escient. Comprendre comment C. metallidurans peut rejeter des pépites d’or pourrait permettre aux chercheurs de lever le voile sur le cycle biogéochimique de l’or. Le métal précieux des minerais qui ne contient que petites quantités de métal pourrait alors être purifié sans nécessiter de liaisons mercurielles toxiques, comme c’était le cas auparavant.
Vous retrouverez tous les détails de cette étude dans la revue Metallomics.
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