Alors que l’intelligence artificielle détruit déjà des milliers d’emplois et épuise les ressources en eau de communautés entières, le PDG de Meta vient de faire une annonce qui n’est pas passée inaperçue. Mark Zuckerberg affirme désormais que la « superintelligence artificielle » est à portée de main, une technologie qui permettrait aux machines de s’améliorer elles-mêmes indéfiniment. Derrière cette promesse technologique se cache pourtant une vision du futur que de nombreux experts qualifient ouvertement de dystopique. Entre ambitions commerciales et bouleversements sociétaux, décryptage d’une annonce qui pourrait redéfinir l’avenir de l’humanité.
L’IA actuelle : un bilan déjà préoccupant
Avant d’explorer les promesses futuristes de Zuckerberg, il convient de dresser un état des lieux des conséquences actuelles de l’intelligence artificielle sur notre société. Les chiffres récents dressent un tableau pour le moins contrasté de cette révolution technologique en cours.
Selon plusieurs rapports publiés cette année, l’IA a déjà supprimé au minimum 15% des emplois destinés aux débutants, s’imposant comme l’une des cinq principales causes de pertes d’emplois dans l’économie moderne. Cette érosion du marché du travail touche particulièrement les jeunes actifs, créant une génération confrontée à des défis d’insertion professionnelle inédits.
Parallèlement, l’impact environnemental de cette course à l’intelligence artificielle soulève des questions cruciales. Les centres de données nécessaires au fonctionnement des systèmes d’IA engloutissent des quantités astronomiques d’eau pour leur refroidissement. Une analyse récente révèle que les deux tiers des installations construites depuis 2022 se concentrent dans des régions déjà confrontées à un stress hydrique important, aggravant la pression sur des ressources déjà limitées.
L’annonce fracassante de la superintelligence
C’est dans ce contexte tendu que Mark Zuckerberg a publié, fin juillet, un message qui a fait l’effet d’une bombe dans la communauté technologique. Le dirigeant de Meta y exprime un « optimisme extrême » concernant l’émergence prochaine de ce qu’il qualifie de superintelligence artificielle.
Cette superintelligence représenterait un saut qualitatif majeur par rapport aux grands modèles de langage actuels comme ChatGPT ou Claude. Contrairement à ces systèmes, certes sophistiqués mais fondamentalement statiques, la superintelligence disposerait de la capacité révolutionnaire de s’auto-améliorer de manière continue et autonome.
Pour comprendre cette distinction, il faut appréhender la hiérarchie conceptuelle établie par les chercheurs en IA. Au sommet se trouve l’Intelligence Artificielle Générale (AGI), ce moment hypothétique où les machines surpasseraient définitivement l’intelligence humaine. La superintelligence constitue un niveau encore supérieur, où les systèmes deviendraient capables d’orchestrer leur propre évolution technologique.

Des motivations commerciales controversées
L’enthousiasme affiché par Zuckerberg masque cependant des objectifs commerciaux qui suscitent l’inquiétude des observateurs indépendants. Lors d’interviews récentes, le PDG de Meta a clairement exposé sa vision de l’intelligence artificielle comme un outil d’optimisation publicitaire et d’engagement utilisateur.
Ses déclarations révèlent un projet centré sur l’amélioration des stratégies marketing de ses plateformes sociales, avec pour objectif d’inciter davantage d’utilisateurs à consulter Instagram et les autres services du groupe. Plus troublant encore, Zuckerberg envisage le déploiement de « thérapeutes IA » et d' »amis artificiels » pour lutter contre l’isolement social.
Cette approche a provoqué des réactions virulentes parmi les experts en intelligence artificielle. Zvi Mowshowitz, spécialiste reconnu du domaine, n’hésite pas à qualifier cette vision de caricaturale, estimant qu’elle combine les pires craintes concernant à la fois Zuckerberg et l’IA elle-même.
Une interface physique entre l’humain et le réel
Au-delà des applications logicielles, la vision de Zuckerberg s’étend également aux interfaces physiques. Il imagine des lunettes intelligentes qui créeraient une « couche méta-gouvernée » entre l’utilisateur et son environnement réel. Cette technologie constituerait une évolution naturelle de son projet de métavers, cette réalité virtuelle alternative qui n’a jamais réussi à séduire le grand public.
Cette approche soulève des questions fondamentales sur la médiation technologique de notre rapport au monde. En interposant une couche d’intelligence artificielle entre l’individu et la réalité, Zuckerberg propose ni plus ni moins qu’une reconfiguration complète de l’expérience humaine.
Les promesses accompagnant cette vision restent délibérément vagues : « atteindre vos objectifs », « créer ce que vous souhaitez voir dans le monde », « devenir la personne que vous aspirez à être ». Cette imprécision volontaire illustre la difficulté à vendre concrètement un avenir que peu de personnes semblent réellement désirer.
Les interrogations sur la gouvernance technologique
L’annonce de Zuckerberg soulève une question essentielle concernant la gouvernance des technologies émergentes. Faut-il confier le développement de systèmes potentiellement transformateurs à des entreprises privées guidées principalement par la logique du profit ?
Meta, rappelons-le, fonctionnait autrefois selon la devise « avancer vite et casser des choses », philosophie qui a déjà provoqué de nombreux dysfonctionnements sociétaux via les réseaux sociaux. Appliquer cette même approche au développement de la superintelligence pourrait transformer cette maxime entrepreneuriale en véritable épitaphe civilisationnelle.
L’enjeu dépasse largement les considérations technologiques pour toucher aux fondements mêmes de l’organisation sociale future.
