Cet alliage est officiellement le matériau le plus résistant de la Terre

alliage chrome cobalt nickel
Image au microscope d'un chemin de fracture dans un alliage de cobalt, de chrome et de nickel lors d'essais sous contrainte à -253°C. Crédits : Robert Ritchie/Berkeley Lab

Une équipe de chercheurs a annoncé avoir développé un nouvel alliage métallique de chrome, de cobalt et de nickel qui est plus de cent fois plus résistant que le graphène. Ce matériau, désormais considéré comme le plus robuste sur Terre, pourrait avoir de multiples applications. Les détails de l’étude sont publiés dans la revue Science.

La recette parfaite ?

Trouver des matériaux structuraux ayant de bonnes propriétés de rupture à très basse température est un défi à relever. Ils sont en effet très importants dans de nombreux domaines, en particulier dans celui de l’exploration spatiale. Il y a quelques mois, des chercheurs de l’Université de Californie à Berkeley ont donc mis au point l’un de ces matériaux. Il s’agit d’un alliage chrome-cobalt-nickel.

Ce matériau est un exemple d’alliage à haute entropie. Habituellement, les alliages sont constitués d’un élément principal auquel on ajoute de faibles quantités d’éléments supplémentaires. Ceux dits « à haute entropie » sont constitués d’un mélange égal de chaque élément constitutif.

L’alliage a la particularité d’être extrêmement malléable ou ductile. Cela signifie qu’il peut se plier sous pression pour résister à la fracturation. Plusieurs mécanismes clés permettent cette malléabilité. L’un d’eux provoque par exemple la dislocation des atomes dans l’alliage sous pression.

« Chacun de ces mécanismes entre en action à un stade ultérieur lorsque vous augmentez la pression sur le matériau, détaillent les auteurs. C’est la recette parfaite pour une ténacité élevée« .

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Image au microscope d’un chemin de fracture dans un alliage de cobalt, de chrome et de nickel lors d’essais sous contrainte à -253°C. Crédits : Robert Ritchie/Berkeley Lab

Températures cryogéniques

Ce qui est remarquable, c’est que ces mécanismes deviennent encore plus efficaces à très basses températures. Les chercheurs ont d’abord soumis l’alliage à une température d’environ -196°C. À leur grande surprise, sa robustesse ne faisait que s’améliorer.

L’équipe a ensuite repoussé les limites du matériau. Pour ce faire, ils ont exposé l’alliage à de l’hélium liquide, qui peut refroidir à des températures de -253 °C. En s’appuyant sur la diffractométrie de neutrons, une technique d’analyse basée sur la diffraction des neutrons sur la matière, les chercheurs ont alors pu observer la manière dont les fissures se formaient à mesure que la pression augmentait.

« Les gens parlent de la ténacité du graphène. Elle est mesurée à seulement quatre mégapascals par mètre« , précise Robert Ritchie, co-auteur des travaux. « La ténacité des alliages d’aluminium utilisés dans les avions est de trente-cinq mégapascals par mètre. Ce matériau a une ténacité de 400 à 500 mégapascals par mètre… Ce sont des chiffres ahurissants« .

L’un des inconvénients du graphène est que sa haute résistance ne tient qu’à des échelles nanométriques. Ici, les échantillons de l’alliage de chrome, de cobalt et de nickel testés par les chercheurs étaient de la taille d’un paquet de cigarettes, ce qui laisse entrevoir de possibles applications cryogéniques au quotidien. Ces applications potentielles vont de l’infrastructure spatiale aux conteneurs résistants aux fractures pour des utilisations d’énergie propre.

Seul bémol : deux des trois éléments de cet alliage (le nickel et le cobalt) ont un coût prohibitif, ce qui pourrait limiter l’usage de cet alliage à l’avenir.