Photographie en fausses couleurs du côté diurne de Vénus, imagée par Akatsuki. Crédit image : JAXA

C’est officiel : il n’y a plus personne autour de Vénus (et c’est un vrai problème)

Après quinze années d’une mission spatiale hors du commun, l’agence japonaise JAXA a officiellement mis fin aux opérations de sa sonde Akatsuki autour de Vénus. Cette décision marque un tournant historique : pour la première fois depuis 2015, l’humanité se retrouve sans présence robotique autour de la planète sœur de la Terre. Retour sur l’épopée extraordinaire d’une mission qui a défié tous les pronostics et révolutionné notre compréhension de l’atmosphère vénusienne.

Un départ prometteur qui tourne au cauchemar spatial

En mai 2010, l’optimisme régnait au sein de la JAXA lors du lancement d’Akatsuki, officiellement baptisée « Planète C ». Cette sonde révolutionnaire devait rejoindre l’orbite de Vénus en décembre de la même année pour entamer une mission d’observation climatique sans précédent. Les ingénieurs avaient minutieusement calculé chaque paramètre : la trajectoire, la vitesse d’approche, et surtout cette manœuvre cruciale de freinage qui permettrait à la sonde de se glisser dans l’attraction gravitationnelle vénusienne.

Mais l’espace réserve parfois des surprises amères. Au moment critique, le moteur principal refuse d’obéir aux commandes. Au lieu des douze minutes de combustion prévues pour ralentir le vaisseau, seules trois minutes de poussée sont obtenues. Akatsuki file à toute vitesse au-delà de sa destination, emportant avec elle des années de travail et d’espoirs scientifiques.

Quand l’ingéniosité triomphe de l’adversité

Face à cette situation désespérée, les équipes de contrôle auraient pu abandonner. Pourtant, elles font le choix de l’audace. Utilisant les petits propulseurs de contrôle d’attitude, normalement dédiés aux corrections mineures de trajectoire, les ingénieurs élaborent un plan de sauvetage digne d’un thriller spatial.

Pendant cinq longues années, Akatsuki poursuit sa course autour du Soleil, ses systèmes auxiliaires travaillant méthodiquement à modifier sa trajectoire. Cette période d’attente forcée permet aux équipes de repenser entièrement la mission et d’optimiser les paramètres orbitaux pour une seconde tentative.

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Une image conceptuelle d’Akatsuki voyageant vers l’avant pour entrer en orbite autour de Vénus. Crédits : JAXA

Un succès inattendu aux retombées scientifiques majeures

Lorsqu’Akatsuki parvient enfin à s’installer autour de Vénus en 2015, son orbite diffère radicalement de celle initialement prévue. Cette configuration imprévue s’avère pourtant être un cadeau du destin. L’orbite elliptique très allongée, avec un point le plus proche à 400 kilomètres et le plus éloigné à 440 000 kilomètres, offre des perspectives d’observation uniques.

Cette position privilégiée permet à la sonde d’accompagner le mouvement de l’atmosphère vénusienne dans sa rotation vers l’ouest, ouvrant la voie à des découvertes révolutionnaires. Les cinq instruments embarqués, dont quatre caméras fonctionnant dans différentes longueurs d’onde, commencent à décrypter les mystères atmosphériques de cette planète hostile.

Des révélations qui transforment notre vision de Vénus

Durant ses huit années d’observation active, Akatsuki bouleverse notre compréhension de Vénus. La sonde identifie la plus gigantesque onde de montagne jamais observée dans le système solaire, un phénomène atmosphérique d’une ampleur inimaginable. Elle perce également le secret de la super-rotation vénusienne, ce mécanisme fascinant qui fait tourner l’atmosphère de la planète bien plus rapidement que sa surface rocheuse.

Plus remarquable encore, l’équipe scientifique adapte pour la première fois les techniques d’assimilation de données météorologiques terrestres à l’étude d’une planète extraterrestre, ouvrant de nouvelles perspectives méthodologiques pour l’exploration planétaire.

La fin d’une ère et l’incertitude du futur

En avril 2024, le silence s’installe brutalement. Akatsuki, qui avait déjà largement dépassé sa durée de vie nominale, cesse de répondre aux sollicitations terrestres. Malgré plus d’une année de tentatives de rétablissement des communications, la JAXA doit se résoudre à accepter l’évidence : la mission touche à sa fin.

Cette conclusion laisse Vénus orpheline de toute présence humaine robotique. Si trois missions ambitieuses sont prévues par la NASA et l’ESA pour la fin de cette décennie, leur avenir demeure incertain face aux contraintes budgétaires actuelles.

L’héritage d’Akatsuki dépasse largement ses découvertes scientifiques. Cette mission illustre parfaitement comment la persévérance et l’ingéniosité humaines peuvent transformer un échec apparent en triomphe scientifique durable.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.