C’est désormais prouvé : les animaux peuvent rejouer mentalement des souvenirs passés

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Pour la première fois, des neuroscientifiques de l’Université de l’Indiana (États-Unis) ont démontré que des animaux peuvent rejouer mentalement des souvenirs passés. L’étude apparaît dans la revue Current Biology.

C’est une découverte assez spectaculaire, qui permet non seulement de mieux comprendre l’animal, mais qui pourrait également aider les chercheurs à développer de nouveaux traitements contre la perte de mémoire, qui survient par exemple avec la maladie d’Alzheimer. La plupart des études pré-cliniques sur de nouveaux traitements potentiels de cette maladie examinent comment ces composés affectent la mémoire spatiale, l’un des types de mémoire les plus faciles à évaluer chez les animaux. Mais la perte des repères géographiques n’est pas forcément le symptôme qui provoque les effets les plus indésirables d’Alzheimer.

« Si votre grand-mère souffre de la maladie d’Alzheimer, l’un des aspects les plus déchirants de la maladie est qu’elle ne se souvient pas de ce que vous lui avez raconté la dernière fois que vous l’avez vue », explique Danielle Panoz-Brown, principale auteure de l’étude. « Nous nous intéressons à la mémoire épisodique – et à la répétition épisodique de la mémoire – car elle diminue avec la maladie d’Alzheimer et avec le vieillissement en général ».

La mémoire épisodique est la capacité de se souvenir d’événements spécifiques. Par exemple, si une personne perd ses clés de voiture, elle peut essayer de se rappeler chaque étape – ou « épisode » – de son voyage de la voiture à son emplacement actuel. La possibilité de rejouer ces événements dans l’ordre est connue sous le nom de « répétition de mémoire épisodique ». Si nous n’étions pas en mesure de nous souvenir des anecdotes avec chaque épisode dans l’ordre, ces scénarios n’auraient tout simplement aucun sens.

Pour évaluer la capacité des animaux à rejouer de mémoire des événements passés, une équipe de chercheurs a passé près d’un an à travailler avec 13 rats. Ils les ont d’abord entraînés à mémoriser une liste de 12 odeurs uniques dans l’ordre. Ensuite, les rats ont été placés à l’intérieur de plusieurs « arènes », chacune avec un motif légèrement différent de ces 12 odeurs.

Dans les arènes, les rats étaient récompensés s’ils identifiaient la deuxième et la quatrième odeur sur la liste. Cependant, les chercheurs voulaient s’assurer que les rats ne se rappelaient pas seulement des événements stagnants, mais bien d’un flux d’événements dans le bon ordre. L’équipe a en conséquence mélangé l’ordre de la liste avant chaque test pour s’assurer que ces rats utilisaient leur mémoire épisodique pour se rappeler de la liste réelle, et n’utilisaient pas simplement leur sens de l’odorat pour identifier une odeur familière.

Dans l’ensemble, les rats ont réussi à accomplir la tâche environ 87 % du temps. Pour les chercheurs, ces résultats sont des preuves solides que les animaux utilisaient ici leur mémoire épisodique. Des expériences supplémentaires ont confirmé que les souvenirs des rats étaient durables et résistants à « l’interférence » d’autres souvenirs : deux caractéristiques de la mémoire épisodique. Ils ont également effectué des tests qui ont temporairement supprimé l’activité dans l’hippocampe – le site de la mémoire épisodique – pour confirmer que les rats utilisaient cette partie de leur cerveau pour effectuer leurs tâches.

Les résultats suggèrent que les souvenirs épisodiques remontent assez loin dans le fil du temps pour que les rats puissent être utilisés comme modèles afin d’étudier le fonctionnement de la mémoire épisodique humaine.

« Nous essayons vraiment de repousser les frontières des modèles animaux de la mémoire vers quelque chose de plus en plus semblable à la façon dont ces souvenirs fonctionnent chez les gens », notent les chercheurs. « Si nous voulons éliminer la maladie d’Alzheimer, nous devons vraiment nous assurer que nous essayons de protéger le bon type de mémoire ».

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