astéroïde Ryugu
L'astéroïde Ryugu vu par Hayabusa-2. Crédit image : JAXA, Université de Tokyo, Université de Kochi, Université Rikkyo, Université de Nagoya, Institut de technologie de Chiba, Université Meiji, Université d'Aizu et AIST

« C’est comme trouver une graine tropicale en Arctique » : Nouvelle découverte inattendue sur l’astéroïde Ryugu

Depuis quelques années, l’astéroïde Ryugu fascine les scientifiques du monde entier. Grâce à la sonde japonaise Hayabusa-2, des échantillons précieux ont été rapportés sur Terre, offrant une fenêtre unique sur la composition et l’histoire des premiers corps solides formés dans notre système solaire. Récemment, une découverte surprenante a enrichi ce corpus déjà exceptionnel : la présence d’un minéral, la djerfisherite, qui n’aurait jamais dû se trouver sur Ryugu. Ce phénomène soulève de nouvelles questions passionnantes sur la formation et l’évolution de notre environnement cosmique.

Ryugu, un témoin du passé lointain

Ryugu est un astéroïde de près d’un kilomètre de diamètre aujourd’hui, mais il est issu d’un corps beaucoup plus vaste, formé il y a environ 4,5 milliards d’années, au tout début du système solaire. Ce corps parent, composé de glace et de matériaux rocheux, s’est développé dans une région froide, à la frontière extérieure du système solaire, où la température ne dépassait pas 50 °C. Cette chaleur modérée a permis la présence d’eau liquide, mais en quantité limitée.

Jusqu’à présent, cette description donnait l’image d’un astéroïde homogène, froid et aqueux, peu susceptible d’abriter des minéraux formés dans des conditions très différentes.

La surprise de la djerfisherite

La djerfisherite est un minéral connu principalement dans des météorites issues du système solaire interne, une région plus proche du Soleil, caractérisée par des températures élevées et un environnement pauvre en eau. Ce minéral se forme à partir de gaz ou de fluides métalliques à plus de 350 °C, bien au-delà des conditions attendues pour Ryugu. Or, les chercheurs de l’Université d’Hiroshima ont identifié pour la première fois ce minéral sur un fragment de l’astéroïde, ce qui a surpris toute la communauté scientifique.

Cette découverte est comparable à celle d’une graine tropicale retrouvée dans la glace de l’Arctique : elle révèle soit la présence d’un environnement local inattendu sur Ryugu, soit un transport de matériaux sur de très longues distances, dès les premières phases de la formation du système solaire. Ces hypothèses impliquent que la composition de Ryugu pourrait être beaucoup plus complexe que ce que l’on imaginait jusqu’ici.

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Des morceaux de roche et de poussière récupérés sur l’astéroïde de type C Ryugu par le vaisseau spatial Hayabusa2. Crédits : Yada, et al. ; Nature Astronomy

Des implications pour l’histoire du système solaire

Deux grandes pistes expliquent cette présence inattendue. La première serait que Ryugu a intégré, lors de sa formation, des matériaux très différents, issus de zones distinctes du système solaire primitif. Cela suggérerait un mélange actif et rapide de matériaux dans les premiers millions d’années, un phénomène crucial pour comprendre comment la matière a été transportée et redistribuée à l’échelle du système solaire naissant.

La deuxième hypothèse privilégie une évolution thermique plus complexe de Ryugu, avec des poches localisées ayant atteint des températures suffisamment élevées pour former la djerfisherite. Dans ce scénario, l’astéroïde ne serait pas un corps uniformément froid, mais présenterait une chimie hétérogène avec des variations locales importantes. Cette idée bouleverse l’image d’un astéroïde simple et uniforme, soulignant la richesse des processus qui ont affecté ces petits corps primitifs.

Vers une meilleure compréhension des origines planétaires

L’intérêt majeur de cette découverte réside dans les informations qu’elle apporte sur les premiers processus de formation planétaire. Comprendre comment et où se sont mélangés les matériaux composant les astéroïdes comme Ryugu permet d’affiner les modèles de formation des planètes et du système solaire. Ces corps sont en effet les vestiges des premiers assemblages rocheux, et leur composition renferme l’histoire des températures, des mouvements et des interactions chimiques survenues il y a des milliards d’années.

L’étude dirigée par le professeur Masaaki Miyahara souligne que pour progresser, il est nécessaire d’approfondir les recherches afin d’explorer ces scénarios et de déchiffrer les indices laissés par ces minéraux. Chaque nouvelle donnée extraite des échantillons ramenés par Hayabusa-2 constitue un pas de plus vers la reconstitution de ce puzzle cosmique.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.