Pendant que la Terre se trouve dans l’angle mort du Soleil, deux vétérans de l’exploration martienne ont accompli l’impensable : détourner leurs caméras de la planète rouge pour traquer une visiteuse venue d’au-delà de notre système solaire. La comète interstellaire 3I/ATLAS file actuellement à travers l’espace à 60 kilomètres par seconde, et seules les sondes Mars Express et ExoMars Trace Gas Orbiter peuvent témoigner de son passage.
Un exploit technique aux limites de l’impossible
Les ingénieurs de l’Agence spatiale européenne ont demandé à leurs instruments ce qu’aucun concepteur n’avait prévu. Les caméras de Mars Express et d’ExoMars TGO ont été calibrées pour scruter des détails à moins de mille kilomètres de distance. Cette fois, leur cible se trouvait à 29 millions de kilomètres, soit l’équivalent de tenter d’identifier un smartphone posé sur la Lune depuis votre jardin.
Colin Wilson, scientifique de projet à l’ESA, n’a pas caché la complexité de l’opération. La comète affichait une luminosité dix mille fois inférieure aux observations habituelles des orbiteurs. Pourtant, le système d’imagerie CaSSIS d’ExoMars TGO a réussi son pari, capturant la chevelure vaporeuse de l’objet céleste alors qu’elle traversait son champ de vision.
Quand Mars devient notre meilleur observatoire
Cette prouesse technique répond à une nécessité astronomique frustrante. Actuellement, la configuration orbitale place notre planète exactement à l’opposé de 3I/ATLAS par rapport au Soleil. Autrement dit, impossible de pointer le moindre télescope terrestre vers cette voyageuse cosmique sans regarder directement dans notre étoile. Les sondes martiennes deviennent ainsi nos yeux privilégiés sur cet événement rare.
Les images révèlent bien plus qu’un simple point lumineux. La chevelure visible correspond à l’atmosphère gazeuse qui enveloppe le noyau de la comète, formée par la sublimation des glaces sous l’effet du rayonnement solaire croissant. L’asymétrie observée dans les clichés correspond parfaitement aux modèles théoriques du comportement cométaire, validant la qualité des données collectées.

Une tradition d’observation qui dépasse Mars
Cette mission improvisée n’est pas une première pour ces orbiteurs polyvalents. Mars Express a déjà traqué la comète Siding Spring en 2013, bien que celle-ci fût beaucoup plus proche de la planète rouge. Les deux sondes ont également immortalisé les transits de Phobos et Déimos devant Jupiter, Saturne et même la Terre, démontrant leur capacité à transcender leur mission primaire.
Les mesures de luminosité collectées viendront enrichir un catalogue international d’observations qui permettra de modéliser l’évolution de 3I/ATLAS tout au long de sa trajectoire. Dans quelques semaines, la mission JUICE prendra le relais depuis sa route vers Jupiter, observant la comète après son passage au plus près du Soleil.
Vers une nouvelle ère de chasse aux visiteurs interstellaires
Cette réussite technique préfigure l’avenir de l’exploration spatiale. L’ESA développe actuellement Comet Interceptor, une mission ambitieuse prévue pour 2029 qui se spécialisera dans la poursuite d’objets interstellaires ou de comètes pristines issues du nuage d’Oort. Ces messagères venues des confins de l’espace portent en elles les secrets de la formation de notre système solaire et peut-être même les indices sur l’origine de la vie terrestre.
En attendant, les données de Mars Express et ExoMars TGO continuent d’être analysées, promettant de nouvelles révélations sur cette visiteuse qui ne repassera probablement jamais dans notre voisinage cosmique.
