Crédits : acob Wackerhausen/istock

Ces patients aveugles ont relu leur premier livre en 15 ans grâce à une puce de 2 millimètres

Imaginez vivre avec deux disques noirs au centre de votre vision, incapable de reconnaître le visage de vos proches ou de lire une seule ligne. Pour des millions de personnes atteintes de dégénérescence maculaire, c’est une réalité quotidienne. Jusqu’à maintenant. Une équipe internationale vient de franchir une barrière que la médecine tentait de briser depuis des décennies : restaurer la vue à des patients dont la cécité était jugée irréversible.

Quand la médecine redonne la lumière aux aveugles

La dégénérescence maculaire liée à l’âge représente l’une des causes majeures de cécité dans le monde occidental. Cette pathologie progressive détruit la macula, cette zone minuscule de la rétine responsable de notre vision centrale haute définition. Résultat : une tache aveugle s’installe progressivement au cœur du champ visuel, rendant impossible la lecture, la reconnaissance des visages ou toute activité nécessitant une vision précise.

Dans sa forme la plus sévère, l’atrophie géographique, les cellules photoréceptrices meurent définitivement. Ces capteurs naturels qui convertissent normalement la lumière en signaux électriques disparaissent, laissant des zones entières de la rétine incapables de transmettre la moindre information au cerveau. La vision périphérique persiste, mais le centre du regard devient un vide total.

Jusqu’à présent, aucun traitement ne permettait de renverser ce processus destructeur. Les patients apprenaient simplement à vivre avec leur handicap.

Un implant qui réécrit les règles de l’ophtalmologie

Le système PRIMA, fruit de quinze années de recherche menée par les ophtalmologues José-Alain Sahel et Daniel Palanker, bouleverse cette fatalité. Testé dans dix-sept hôpitaux européens auprès de trente-huit patients, ce dispositif a démontré une efficacité sans précédent : quatre-vingt-un pour cent des participants ont retrouvé une capacité visuelle fonctionnelle.

Le principe repose sur un dispositif en deux parties d’une ingéniosité remarquable. Un micro-implant de deux millimètres carrés, plus fin qu’un cheveu humain, contenant trois cent soixante-dix-huit pixels photovoltaïques, est inséré chirurgicalement derrière la rétine endommagée. Cette puce prend littéralement la place des cellules mortes.

Le second élément consiste en des lunettes connectées à un processeur portable. Ces lunettes capturent l’environnement visuel et le convertissent en lumière infrarouge proche, autour de huit cent quatre-vingts nanomètres. Cette longueur d’onde spécifique présente un avantage crucial : invisible pour les photorécepteurs encore fonctionnels en périphérie, elle ne perturbe pas la vision naturelle résiduelle du patient.

L’implant reçoit ces signaux infrarouges et les transforme en impulsions électriques, qu’il transmet directement aux neurones de la rétine interne. Le cerveau interprète ensuite ces signaux comme des informations visuelles. L’ensemble fonctionne sans batterie externe, alimenté uniquement par la lumière reçue.

Une puce oculaire prothétique révolutionnaire restaure la vue, une première médicale dégénérescence
L’œil d’un patient avant et après l’implantation. Crédits : Holz et al, NEJM , 2025

Des résultats qui dépassent les espérances

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Sur les trente-deux patients suivis durant les douze mois complets de l’essai clinique, vingt-six ont connu une amélioration significative de leur vision centrale. Certains ont atteint une acuité proche de vingt sur quatre cent vingt, la limite actuelle du système.

Plus de quatre-vingts pour cent des participants peuvent désormais lire des lettres et des mots. Plusieurs déchiffrent même des pages entières de livres, une capacité perdue depuis parfois plus d’une décennie. Sheila Irvine, patiente britannique recrutée au Moorfields Eye Hospital, témoigne : avant l’intervention, elle percevait deux disques noirs permanents au centre de son regard. Grande lectrice, elle a dû réapprendre progressivement à déchiffrer les lettres, mais retrouve peu à peu son ancienne passion.

L’apprentissage demeure essentiel. Les patients consacrent plusieurs mois à maîtriser le système, notamment les fonctions de zoom et l’interprétation des schémas électriques comme des formes reconnaissables. Le cerveau doit s’adapter à cette nouvelle façon de voir.

Dix-neuf participants ont présenté des complications, toutes liées à la chirurgie oculaire elle-même et résolues rapidement. Point fondamental : aucun patient n’a perdu sa vision périphérique.

Une puce oculaire prothétique révolutionnaire restaure la vue, une première médicale
Simulations de la vision d’un patient atteint de dégénérescence maculaire avant (à gauche) et après (à droite) l’implantation du système PRIMA. Crédits : Laboratoire Palanker

Vers une vision en couleur et haute résolution

La technologie actuelle fonctionne uniquement en noir et blanc. Les équipes travaillent déjà sur une version en niveaux de gris, indispensable pour la reconnaissance faciale, deuxième priorité des patients après la lecture. Les générations futures de l’implant utiliseront des pixels miniaturisés pour améliorer la résolution, accompagnés de lunettes plus discrètes et ergonomiques.

Cette première mondiale ouvre une ère nouvelle pour des millions de personnes condamnées à la cécité centrale. Après quinze ans de développement, PRIMA prouve qu’il est possible de réparer l’irréparable.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.