Notre mémoire est un outil fascinant qui nous permet de conserver nos expériences, nos émotions et nos apprentissages. Mais comment le cerveau organise-t-il tous ces souvenirs ? De récentes recherches ont révélé qu’il fonctionne de manière similaire à un réalisateur de cinéma en découpant nos journées en scènes distinctes.
Les scripts schématiques
Notre mémoire joue un rôle essentiel dans la façon dont nous comprenons et nous souvenons des expériences complexes de notre quotidien. Pour faciliter cette tâche, notre cerveau s’appuie sur des représentations préalables appelées scripts schématiques, des structures cognitives que nous avons développées au fil du temps.
Ces scripts nous permettent de relier des informations sur des événements similaires et de comprendre comment ils s’enchaînent dans le temps. Autrement dit, ils agissent comme des modèles mentaux qui nous aident à anticiper et à interpréter les événements en fonction des contextes dans lesquels ils se produisent. Par exemple, nous avons un script pour une sortie au restaurant qui peut inclure des éléments tels que la réservation d’une table, le choix des plats, le paiement de l’addition et le départ. De même, nous avons des scripts pour d’autres contextes de la vie quotidienne comme aller à l’aéroport ou faire des courses à l’épicerie.
Une étude sur la segmentation des événements
Pour mieux comprendre comment ces scripts influencent notre mémoire et la manière dont nous segmentons les événements, des chercheurs ont mené une étude en utilisant des récits audio. Ils ont développé un ensemble de seize histoires, chacune combinant un script lié à un lieu spécifique (comme un restaurant ou un aéroport) associé à un événement social pertinent (comme une demande en mariage ou une rupture). Cela leur a permis d’examiner comment l’activation d’un script pouvait affecter notre perception des limites d’un événement.
Les participants à l’étude ont ici écouté ces récits pendant qu’on mesurait l’activité cérébrale à l’aide de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf).
Comme un film
Lors de l’étude, les chercheurs ont remarqué que l’activité cérébrale des participants variait selon le type d’événements auxquels ils pensaient. Par exemple, lorsqu’ils se concentraient sur des éléments liés à un lieu (comme un restaurant), certaines régions du cerveau s’activaient différemment par rapport à quand ils prêtaient attention à des événements sociaux (comme une demande en mariage).
Plus précisément, l’activation du gyrus angulaire et du gyrus parahippocampique était liée aux éléments contextuels des histoires, tandis que des sous-régions du cortex préfrontal médian (mPFC) intervenaient davantage lorsque les participants changeaient de perspective. En d’autres termes, la façon dont ils se laissaient guider par leurs attentes influençait la manière dont leur cerveau découpait les récits en scènes distinctes.
Cela signifie que notre mémoire fonctionne comme un film que nous montons nous-mêmes. Selon le script que nous activons (lieu ou événement), notre cerveau segmente les événements différemment. Par exemple, si une histoire parle d’un dîner romantique, nous pouvons nous souvenir des détails du repas, comme la commande des plats ou la demande en mariage. En revanche, si nous nous concentrons sur le décor du restaurant, notre mémoire des événements clés change.
Ainsi, notre attention et nos expériences passées façonnent non seulement ce que nous retenons des histoires, mais aussi comment nous les comprenons. Ce phénomène souligne que notre mémoire est un processus actif et dynamique qui façonne nos expériences de manière personnelle.
Les implications pour la santé mentale
La compréhension de la façon dont notre cerveau segmente les souvenirs a des implications importantes, notamment pour les personnes souffrant de troubles de la mémoire. Des difficultés à établir des limites entre les événements sont en effet souvent observées chez les personnes atteintes de troubles de stress post-traumatique (TSPT) ou de démence. Ces patients peuvent avoir du mal à traiter des événements traumatiques ou à se souvenir de moments clés de leur vie. Les chercheurs soulignent qu’en travaillant sur la manière dont les gens prêtent attention à des moments significatifs, il serait possible d’améliorer les stratégies de traitement basées sur la mémoire. Au lieu de se concentrer uniquement sur les événements, il serait judicieux de porter attention aux moments clés qui façonnent réellement notre compréhension d’une expérience.