Certitude à 99,9999999% : des astronomes viennent de faire une découverte aux conséquences vertigineuses pour l’avenir de l’univers

Pendant des décennies, la cosmologie moderne s’est construite sur une certitude : l’expansion de l’univers s’accélère, poussée par une mystérieuse énergie sombre qui repousse les galaxies les unes des autres. Cette vision façonne notre compréhension du cosmos et prédit son destin ultime. Mais une nouvelle étude vient de frapper un grand coup en révélant que nos instruments de mesure cosmiques, ces fameuses supernovae de type Ia utilisées comme balises lumineuses depuis un siècle, pourraient nous avoir gravement induits en erreur. Avec une certitude statistique de 99,9999999%, des chercheurs ont démontré que la luminosité de ces explosions stellaires dépend de l’âge des étoiles qui les produisent. Les conséquences ? Une fois ce biais corrigé, les données suggèrent que l’univers n’accélère peut-être pas son expansion. Au contraire : il pourrait déjà être en train de la ralentir. Si cette interprétation se confirme, c’est toute notre cosmologie qu’il faudra réécrire.

Les chandelles cosmiques qui nous ont trompés

Depuis qu’Henrietta Swan-Leavitt a ouvert la voie au début du 20e siècle, les astronomes utilisent des événements célestes de luminosité connue pour mesurer les distances dans l’univers. Ces « chandelles standard » fonctionnent comme des phares dont l’intensité permet de calculer l’éloignement : plus l’objet paraît faible, plus il est distant.

Parmi ces balises cosmiques, les supernovae de type Ia occupent une place royale. Ces explosions cataclysmiques se produisent lorsqu’une naine blanche, cadavre stellaire résiduel d’une étoile semblable au Soleil, accumule de la matière volée à une étoile compagne. Une fois un seuil de masse critique atteint, la naine blanche s’effondre brutalement sur elle-même et explose dans un flash lumineux visible à travers l’univers.

Le principe semblait simple : puisque ce seuil de masse reste toujours identique, toutes les supernovae de type Ia devraient briller avec la même intensité. Une supernova paraissant plus faible serait donc simplement plus lointaine. Cette hypothèse a servi de fondation à nos mesures de l’expansion cosmique depuis des décennies et a notamment valu le prix Nobel de physique en 2011 à ceux qui ont découvert l’accélération de l’expansion.

Sauf que cette fondation pourrait être fissurée.

L’âge change tout

L’équipe menée par le Dr Chul Chung de l’université Yonsei a analysé 300 galaxies hôtes de supernovae avec une précision inédite. Leur conclusion, établie avec un niveau de confiance de 5,5 sigma, dépasse largement les standards scientifiques habituels : la luminosité des supernovae de type Ia dépend bel et bien de l’âge de leurs étoiles progénitrices.

Les supernovae issues de populations stellaires jeunes apparaissent systématiquement moins lumineuses que celles provenant d’étoiles anciennes. Cette variation n’est pas anecdotique : elle fausse radicalement nos mesures de distances cosmiques. Or, comme les étoiles jeunes dominent statistiquement aux grandes distances, cet effet d’âge peut imiter parfaitement le signal d’un univers en expansion accélérée.

Autrement dit, ce que nous prenions pour une accélération cosmique pourrait n’être qu’un artefact de mesure lié à l’évolution stellaire. Le régulateur que nous utilisions depuis un siècle pour calibrer l’univers s’avère déréglé.

expansion de l'univers supernovas
Source: DR
Image prise par Hubble de la célèbre supernova de type Ia 1994D dans la galaxie NGC 4526. Ce n’est peut-être plus aussi courant. Crédit image : NASA/ESA, l’équipe du projet Hubble Key et l’équipe de recherche de supernovae à haut décalage vers le rouge

Un univers qui freine, pas qui accélère

Une fois ce biais corrigé, les données racontent une histoire radicalement différente. L’univers ne serait plus en phase d’expansion accélérée, mais serait déjà entré dans une phase de ralentissement. L’énergie sombre, cette force antigravité censée constituer 70% du contenu énergétique du cosmos et rester immuable à travers le temps, évoluerait en réalité.

Cette conclusion trouve un écho troublant dans d’autres observations récentes. La plus grande carte des galaxies jamais réalisée, publiée plus tôt cette année, laissait déjà entrevoir un possible affaiblissement de l’énergie sombre. Les nouvelles données de Chung et son équipe viennent renforcer ces indices convergents.

Si ces résultats résistent aux tests futurs, les conséquences seront vertigineuses. Le modèle cosmologique standard, qui décrit un univers composé de 70% d’énergie sombre constante, 25% de matière noire et 5% de matière ordinaire, devra être repensé de fond en comble. Cette révision pourrait également résoudre la fameuse tension de Hubble, cette incompatibilité frustrante entre différentes méthodes de mesure de l’expansion cosmique qui tourmente les astrophysiciens depuis des années.

Cinq ans pour trancher

L’équipe ne compte pas s’arrêter là. Pour tester définitivement leur hypothèse, ils prévoient d’utiliser uniquement des supernovae issues de jeunes galaxies contemporaines, éliminant ainsi les effets de l’évolution des populations stellaires. Le relevé LSST, mené par l’observatoire Vera Rubin au cours de la prochaine décennie, fournira des données photométriques sur environ 20 000 nouvelles galaxies hôtes.

D’ici cinq ans, nous devrions savoir si l’univers accélère vraiment vers un futur glacé et désolé, ou s’il ralentit progressivement sa course. Une question qui semblait réglée depuis 1998 redevient soudain ouverte. Comme le souligne le Dr Chung, mieux comprendre l’astrophysique stellaire, c’est mieux comprendre l’univers lui-même. Et aujourd’hui, cet univers réserve peut-être encore des surprises de taille.

L’étude est publiée dans les Monthly Notices of the Royal Astronomical Society.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.