Les outils en pierre utilisés par les macaques à longue queue dans le parc national de Phang Nga, en Thaïlande, présentent les mêmes caractéristiques généralement utilisées pour identifier les outils en pierre fabriqués intentionnellement par nos ancêtres humains dans certains des premiers sites archéologiques d’Afrique de l’Est. Cette découverte, rapportée dans la revue Science Advances, pourrait changer ce que nous pensions de l’histoire humaine.
Une production involontaire
Les macaques à longue queue (Macaca fascicularis) sont originaires d’Asie du Sud et du Sud-Est. Vous les retrouverez dans les forêts tropicales, les savanes et les zones côtières dans des groupes hiérarchisés pouvant atteindre jusqu’à cent individus. Ces primates, qui développent une queue plus longue que leur corps (jusqu’à 70 cm de long), d’où leur nom, sont omnivores, ils se nourrissent de fruits, de feuilles, de graines, d’insectes, de petits mammifères et de crustacés. Nous savons notamment que les noix de palmier à huile figurent au menu. Pour s’en nourrir, les macaques s’appuient sur des outils en calcaire pour casser la coque.
En soi, l’utilisation de tels outils n’est vraiment surprenante. Les chimpanzés et les capucins en utilisent également. Cependant, les éclats produits par les processus de ces deux primates ne sont pas comparables à ceux produits par nos ancêtres. Ce qui est intéressant avec les macaques, c’est qu’ils semblent quant à eux produire des outils parfois impossibles à distinguer de certains artefacts produits par des hominidés.
« La capacité de fabriquer intentionnellement des éclats de pierre pointus est considérée comme un point crucial dans l’évolution des hominines« , rappelle Tomos Proffitt, de l’Institut Max Planck d’anthropologie évolutive. « Notre étude montre que la production d’outils en pierre n’est pas propre aux humains et à nos ancêtres. » Notez que si la fabrication humaine d’éclats de pierre a généralement été attribuée à la production intentionnelle d’outils en pierre, les productions des éclats de pierre par les macaques sont ici involontaires.
Jusqu’à un tiers des éclats concernés
L’Oldowan est une culture archéologique préhistorique, nommée d’après le site de Olduvai Gorge en Tanzanie, où les premiers artefacts ont été découverts. Elle est datée d’environ 3 millions d’années à 1,7 million d’années. Cette culture est caractérisée par la production d’outils en pierre taillée qui ont été utilisés par les premiers hominidés, tels que l’Homo habilis et l’Homo erectus, pour la chasse, le traitement de la nourriture et d’autres activités quotidiennes.
Ces outils étaient simples, rudimentaires et se composaient principalement de galets bruts ou éclatés avec des bords tranchants. Les techniques de fabrication étaient aussi assez simples. Elles impliquaient principalement l’utilisation d’un marteau en pierre pour donner à ces éclats une taille et une forme appropriées. Cette technique de percussion directe a permis la production d’une grande variété d’outils tels que des grattoirs, des couteaux et des pointes de lance.
L’Oldowan, considéré comme l’une des premières cultures préhistoriques connues, aura donc marqué une étape importante dans l’évolution de la technologie humaine. Ce que postulent ici les chercheurs sur la base de leur analyse de 1 119 éclats provenant d’une quarantaine de sites en Thaïlande, c’est que certaines de ces pierres taillées (20 à 30%) pourraient non pas avoir été travaillées intentionnellement par nos ancêtres, mais involontairement par des primates comme les macaques.
Étant donné que la capacité des humains et de nos ancêtres à utiliser des technologies complexes est un aspect déterminant de notre trajectoire évolutive, il est important que nous soyons en mesure d’en identifier les preuves. À la lumière de ces résultats, l’équipe conseille donc une réévaluation fondamentale de la façon dont nous définissons et identifions ce comportement unique des hominines.