Certains organismes unicellulaires sont capables de « changer d’avis »

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Crédits : Capture d'écran/Dexter et al., Current Biology

Une étude récente suggère que des organismes unicellulaires sont capables d’adapter leurs comportements dans le but d’éviter une situation déplaisante.

On suppose que la vie existe sur Terre depuis environ 3,6 milliards d’années. Sur ce laps de temps, les trois premiers milliards d’années ont été dominés par des organismes unicellulaires primitifs. C’est donc un règne incroyablement long. Il y a environ 600 millions d’années, certains sont devenus plus complexes en devenant multicellulaires. Le grand « boom » de la vie put alors enfin avoir lieu.

On pensait que de par leur structure très simple, ces premiers organismes unicellulaires étaient incapables de prendre des décisions « complexes ». Une étude récente menée par des chercheurs de la faculté de médecine de Harvard prouve aujourd’hui le contraire. Au moins l’un d’entre eux (Stentor roeselii) est capable de « changer d’avis » pour se tirer d’une situation inconfortable.

Ces travaux publiés dans la revue Current Biology s’appuient sur une étude menée il y a plus d’un siècle par le zoologiste Herbert Spencer Jennings.

Un ordre de décisions

S. roeselii se distingue par sa taille relativement grande et son corps en forme de trompette. Il est recouvert de petits cils qu’il utilise pour nager. Il s’en sert également pour générer de petits vortex dans le fluide environnant qui entraînent la nourriture dans sa cavité buccale. À l’autre bout de son corps, il sécrète une substance qui lui permet de se maintenir sur certaines surfaces pendant qu’il se nourrit.

À l’époque, Herbert Spencer Jennings avait soumis quelques-uns de ces organismes à un agent irritant dans le but d’étudier ses comportements d’évitement. Il en avait alors observé plusieurs étrangement utilisés dans le même ordre.

Tout d’abord, l’organisme repliait son corps pour éviter l’agent irritant (poudre de carmin). Puis, si l’attaque persistait, il inverserait le mouvement de ses cils pour expulser les particules hors de sa cavité buccale. En cas d’échec, il tirait ensuite son corps vers le bas en se contractant. En cas d’ultime recours, il se détachait pour aller s’installer ailleurs.

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Une esquisse de la hiérarchie de l’évitement chez S. roeselii. Crédits : Dexter et coll. Et biologie actuelle

Le fait que ces organismes soient capables d’adapter leurs comportements face à ces attaques avaient beaucoup interrogé à l’époque. Ces manœuvres sont en effet « réfléchies » et donc très complexe d’un point de vue évolutif. Malheureusement, une expérience ultérieure menée en 1967 qui visait à confirmer ces résultats a échoué. C’est pourquoi les travaux de Jennings ont été largement oubliés.

Pour ces nouveaux travaux, les chercheurs de Harvard se sont repenchés sur cette fameuse étude de 1967. Et surprise : ils se sont alors aperçus que les organismes utilisés lors de l’expérience appartenaient en réalité à une autre espèce. Il n’est donc pas surprenant que les résultats n’aient pas pu être reproduits.

Reprendre tout à zéro

Les chercheurs de Harvard ont alors tenté de refaire l’expérience, mais avec la bonne espèce cette fois. Ils ont réussi à trouver quelques spécimens cachés dans un petit étang d’un terrain de golf, en Angleterre. Après plusieurs tentatives, ils ont alors finalement réussi à susciter chez ces petits organismes tous les comportements décrits par l’expérience de 1906.

Plus important encore, tous ces comportements se faisaient dans le même ordre. Autrement dit, les organismes ne se détachaient jamais sans s’être contractés au préalable. « Ils font les choses simples en premier, mais si vous continuez à les stimuler, ils « décident » d’essayer autre chose« , expliquent les chercheurs. « S. roeselii n’a pas de cerveau, mais il semble exister un mécanisme lui permettant de « changer d’avis  » si besoin. Dans ce cas précis, si l’irritation dure depuis trop longtemps« .

Ces résultats montrent ainsi que les cellules individuelles peuvent être finalement beaucoup plus sophistiquées que nous le pensions. « Cette expérience nous oblige à réfléchir à l’existence, de manière très spéculative, d’une forme de « cognition « cellulaire » dans laquelle des cellules uniques peuvent être capables de traiter des informations complexes et de prendre des décisions« .

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