Certaines personnes, lorsqu’elles regardent un film, par exemple, peuvent ressentir tout ce qui arrive physiquement aux personnages à l’écran. Comment est-ce possible ? Et comment cela fonctionne-t-il ?
« Les films pour moi, ou les bandes-annonces, ou quoi que ce soit d’autre sont juste une chaîne continue de violence, de coups de poing, de gifles, de tirs, de chutes. C’est encore pire quand les gens s’embrassent, ou se touchent le visage, explique Pau à Business Insider. J’ai toujours détesté les baisers d’écran parce que… je ne veux pas les embrasser ». Pau a ce qu’on appelle la synesthésie visuo-tactile (ou synesthésie tactile-miroir), une affection du cerveau qui semble amplifier la sensation de toucher des autres, au point que vous pouvez physiquement ressentir ce que les autres éprouvent.
Cela va de sensations désagréables, comme le fait d’être frappé ou poussé, à des ressentis plus délectables. Par exemple, alors qu’elle regardait un groupe de garçons jouer au paddleball dans une piscine, elle avait presque l’impression qu’elle frappait la balle elle-même. « J’ai eu ce sentiment vraiment agréable dans ma main et dans mon bras, comme si je frappais la balle moi-même, mais sans faire aucun effort, explique-t-elle. J’ai tellement aimé cette sensation que chaque matin je me levais et je regardais le match pendant un moment pour apprécier cette sensation fabuleuse ».
Pour Isabella, 14 ans, également victime du même trouble, une situation comme le fait de tenir un chien « évoque un poids légèrement moelleux dans les bras », tandis qu’une « coupure ouverte ou une ecchymose me fait ressentir la même douleur dans la même région ». En revanche, un mal de dos, par exemple, ne peut être visible « donc je ne peux pas les sentir », dit-elle. Le sentiment ne se produit que lorsqu’elle regarde une blessure.
Pour Jamie Ward, professeur de neurosciences cognitives à l’Université du Sussex (Royaume-Uni), la synesthésie tactile-miroir montre simplement qu’il existe de multiples façons de faire l’expérience du monde. Ward dirige l’un des centres les plus importants au monde sur l’étude de la synesthésie. Pour le chercheur, ce sont des neurones dans le cerveau qui réagissent aux actions plutôt qu’au toucher. Chez les personnes ayant une synesthésie tactile-miroir, leur cerveau ne peut réguler la mesure dans laquelle ces neurones répondent. Des études IRM ont montré qu’il existe plus de connexions neuronales dans certaines parties de leur cerveau associées à la perception tactile.
Ainsi, les personnes concernées seraient plus en mesure de ressentir les émotions et douleurs physiques des autres. « Ils remarquent mieux un signal facial subtil que d’autres pourraient manquer, note le chercheur. Ils peuvent assez bien comprendre la douleur, le plaisir ou la détresse de quelqu’un, mais cela ne signifie pas nécessairement qu’ils ressentent plus d’empathie ». En d’autres termes, même s’ils ont une idée plus précise de ce que vit quelqu’un, cela ne signifie pas qu’ils sont mieux outillés pour régler le problème.
Alors, cadeau ou malédiction ? Personne n’est sûr. Les chercheurs essaient toujours de comprendre ce qui se passe dans le cerveau des personnes ayant une synesthésie tactile-miroir, et les raisons possibles pour lesquelles certains évoluent de cette façon. Il n’y a pas non plus beaucoup de preuves que cela provoque une altération quelconque, bien que certains patients rapportent une certaine gêne. Mais d’une façon ou d’une autre, ce n’est pas une altération qui semble exiger une intervention médicale, car beaucoup passent une grande partie de leur vie sans se rendre compte qu’ils perçoivent le monde différemment.
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