Certaines bactéries peuvent se sacrifier pour sauver leurs colonies

bactéries
Crédits : NIAID/Wikipédia

Une étude étonnante semble suggérer qu’en période de guerre, certaines bactéries peuvent se sacrifier dans le but de sauver leurs colonies.

Il a déjà été remarqué que certaines bactéries sont capables de s’autodétruire lorsque leur colonie est attaquée par des espèces rivales. Jusqu’à présent en revanche, la raison motivant ce type de comportement suicidaire n’était pas totalement compris. Pour mieux l’appréhender, des chercheurs de l’Université d’Oxford (Angleterre) ont mis en place un véritable champ de bataille opposant deux armées différentes.

Suivre les comportements auto-destructeurs

Dans le cadre de cette étude, les chercheurs ont élevé une souche de bactéries E. coli dont les représentants sont connus pour être capables de s’autodétruire en présence des toxines libérées par une espèce concurrente. L’idée consistait donc à suivre ces comportements suicidaires en présence de ces rivaux pour tenter d’en isoler les motivations.

Pour ce faire, les chercheurs ont développé un moyen de colorer en vert les bactéries montrant les signes d’une autodestruction imminente, et de colorer en rose celles qui passent véritablement à l’acte. Les chercheurs ont ensuite placé cette « armée » de bactéries dans une boîte de pétri, puis ils ont placé en face un bataillon constitué de membres non modifiés d’une autre espèce d’E Coli.

Ces deux espèces étaient connues pour leurs différends. En les plaçant l’une face à l’autre, les chercheurs étaient donc parfaitement conscients des hostilités à prévoir. Et ça n’a pas loupé.

Le sacrifice comme réponse

En observant la bataille à travers leur microscope, les chercheurs ont alors assisté à un véritable massacre. Les membres de l’espèce non modifiée ont en effet très vite commencé à libérer leurs toxines (de vraies balles de fusil) sur la ligne de front de l’ennemi qui n’a tenu que quelques secondes.

Grâce à leurs colorants, les chercheurs se sont ensuite aperçus que les bactéries situées juste derrière cette ligne de front détruite, qui venaient d’assister à la mort de leurs congénères, étaient passées très vite en mode autodestruction. Pendant une heure, expliquent-ils, ces dernières ont alors accumulé leurs propres toxines avant de mourir en masse, libérant au passage toutes les toxines qu’elles venaient d’emmagasiner sur l’ennemi.

Ainsi pour les chercheurs ces bactéries, conscientes de ce qui venait de se produire juste devant elles, ont décidé ensemble de se sacrifier pour, disent-ils, aider le reste de la colonie située derrière. Et ce fut d’ailleurs une stratégie gagnante puisque, effectivement, les bactéries situées en retrait ont en majorité survécu à la bataille.

e coli
Des bactéries E Coli. Crédits : Wikipedia

Privilégier le collectif

Cette « contre-attaque auto-destructrice », aussi étonnante soit-elle, paraît en réalité plutôt logique d’un point de vue évolutif.

« Les bactéries vivent en effet très souvent en colonies composées d’individus identiques, explique Elisa Granato, principale auteure de l’étude, publiée dans BioRxiv. Ainsi, même en se sacrifiant, ces bactéries restent quand même en mesure de conserver leurs propres gènes car elles donnent à leurs « clones », qui ont donc les mêmes gènes, une meilleure chance de survie ».

Ce type de sacrifice a également été observé chez certains insectes évoluant aussi en super-colonies. Quand les termites s’en vont en guerre, par exemple, les plus « vieux soldats » se battent généralement en première ligne parce qu’ils ont un potentiel de reproduction plus faible. Autrement dit, leur sacrifice sera moins coûteux pour la colonie d’un point de vue évolutif.

Ainsi, ces comportements, qui ont également déjà été enregistrés chez certaines espèces d’abeilles ou de fourmis, « ont probablement évolué indépendamment chez les bactéries et les insectes en raison de leurs modes de vie similaires, poursuit la chercheuse. C’est la beauté de l’évolution : elle peut proposer la même solution pour des organismes complètement différents ».

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