Les algues planctoniques, comme les Coccolithophores, fonctionnent sur un mode photosynthétique, c’est-à-dire qu’elles utilisent, l’eau, le carbone et l’énergie du soleil pour prospérer et former leur biomasse. Toutefois, de récentes expériences de laboratoire ont montré que certaines espèces pouvaient continuer à fonctionner même sans lumière. Les résultats ont récemment été publiés dans la revue New Phytologist.
Cette découverte jette un regard nouveau sur la façon dont la vie a pu résister aux crises environnementales majeures, comme celle qui a suivi la chute du célèbre astéroïde à Chicxulub (Yucatán) il y a 66 millions d’années. En effet, les poussières et autres cendres soulevées par la collision ont assombri le monde pendant une période prolongée, mettant la faune et la flore à rude épreuve.
Des algues résistantes à l’obscurité
Si 90 % des espèces de Coccolithophores ont succombé, en partie en raison du manque de lumière, les 10 % restants ont résisté et ont ainsi pu jouer le rôle de réservoir par lequel la vie a pu ensuite repartir de plus belle. Grâce aux données obtenues suite aux expériences en conditions contrôlées, les scientifiques pensent désormais avoir compris comment ces organismes photosynthétiques font pour continuer à prospérer malgré des conditions à première vue inhospitalières.
« Nous sommes restés bloqués sur un paradigme selon lequel les algues ne sont que des organismes photosynthétiques, et pendant longtemps, leur capacité à se nourrir autrement a été ignorée », rapporte Jelena Godrijan, auteure principale de l’étude. « Que les Coccolithophores puissent se développer et survivre dans l’obscurité me paraît étonnant, surtout si l’on pense à la façon dont ils ont réussi à survivre alors que des animaux comme les dinosaures n’y sont pas parvenus ».
Quand l’osmotrophie prend le relais de la photosynthèse
Les travaux ont révélé que certaines espèces d’algues planctoniques fonctionnent en parallèle par osmotrophie. Autrement dit, elles continuent à prospérer sans lumière grâce à des échanges transmembranaires leur permettant de se nourrir des substances dissoutes dans l’eau de mer. Or, cette forme spécifique d’échanges de composés carbonés n’était pas connue jusqu’à présent. Ainsi, en plus d’expliquer comment les Coccolithophores peuvent survivre dans l’obscurité, ce processus a également des implications dans le cycle mondial du carbone.
« C’est extrêmement important pour la distribution du dioxyde de carbone sur la Terre », relate Balch, coauteur du papier. « Si nous n’avions pas cette pompe à carbone biologique, le dioxyde de carbone dans notre atmosphère serait beaucoup plus élevé qu’il ne l’est maintenant, probablement plus de deux fois supérieur. Les coccolithophores sont intégrés dans les cycles mondiaux d’une manière que nous n’avions jamais imaginée ».
Comme ces espèces tolèrent des seuils de lumière bien plus bas que la limite photosynthétique, elles sont en outre capables de se développer jusqu’à une grande profondeur dans la colonne d’eau. « Les coccolithophores sont de minuscules créatures, mais elles ont un impact énorme sur toute la vie, dont la plupart des gens n’ont même pas conscience », ajoute l’auteure principale. « Cela me donne de l’espoir pour nos propres vies de voir comment de si petites choses peuvent avoir une telle influence sur la planète ».