Le CERN fait une découverte majeure sur l’antimatière

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Crédits : Elen11/istock

Une équipe internationale de physiciens du CERN fait état d’une découverte majeure concernant une forme insaisissable de matière : l’antimatière. D’après ces expériences, il semblerait que celle-ci réagisse à la gravité de la même manière que la matière ordinaire, validant ainsi les théories proposées par Albert Einstein il y a plus d’un siècle.

Le mystère de l’antimatière

L’antimatière est une forme de matière constituée de particules subatomiques, appelées antiparticules, qui ont des charges opposées à celles des particules de matière ordinaire. Par exemple, l’antiparticule de l’électron, appelée positron, a une charge positive, tandis que l’électron a une charge négative. L’antimatière est donc composée d’antiprotons, d’antineutrons, de positrons, et d’autres antiparticules correspondant aux particules de matière.

Il est également à noter que lorsque des particules de matière rencontrent des particules d’antimatière, elles s’annihilent mutuellement, produisant une grande quantité d’énergie sous forme de photons gamma. Cette réaction d’annihilation est l’une des caractéristiques les plus célèbres de l’antimatière.

Cette forme de matière pose encore problème aujourd’hui. L’un des mystères les plus intrigants en cosmologie concerne en effet la question de pourquoi il semble y avoir une asymétrie entre la quantité de matière et d’antimatière dans l’univers observable.

Selon les théories actuelles, au moment du Big Bang, la matière et l’antimatière auraient en effet dû être produites en quantités égales, ce qui signifierait que l’univers devrait être composé presque exclusivement d’énergie, sans matière ordinaire. Or, ce n’est pas le cas aujourd’hui. Cela suggère qu’il y a eu un déséquilibre dans la production de matière et d’antimatière, ou que des processus inconnus ont conduit à la disparition de grandes quantités d’antimatière.

Mieux comprendre les lois fondamentales de la physique à l’échelle subatomique pourrait potentiellement fournir des indices sur l’origine de cette asymétrie, ce qui nous ramène à ces travaux.

L’antihydrogène réagit à la gravité

Selon le principe de symétrie CPT (charge, parité, renversement temporel), l’antimatière doit être une réplique exacte de la matière en termes de propriétés physiques fondamentales, à l’exception des charges opposées. Cela signifie que l’antimatière devrait obéir aux mêmes lois physiques que la matière. Cependant, il faillait encore pouvoir le démontrer.

Pour cette expérience, les chercheurs ont piégé et étudié des particules d’antihydrogène (composée d’un antiproton au centre avec un positron chargé positivement en orbite autour) au Centre européen de recherche nucléaire (CERN) dans une structure dont les deux extrémités contenaient des champs magnétiques contrôlables. Pour observer les effets de la gravité sur ces particules d’antimatière, les chercheurs ont réduit l’intensité du champ magnétique à chaque extrémité pour laisser les particules s’échapper.

Chaque particule se dirigeait vers le haut ou le bas de la structure magnétique et produisait une sorte de petit éclair. Les chercheurs ont ensuite compté ces éclairs et ont découvert que 80 % d’entre eux se dirigeaient vers le fond, plutôt que vers le haut. Ces résultats ont été répétés une douzaine de fois.

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Crédits : Keyi « Onyx » Li/US National Science Foundation

Einstein avait (encore) raison

Ainsi, les chercheurs ont prouvé que l’antimatière réagit à la gravité de la même manière que la matière ordinaire. Le fait que cette forme de matière tombe vers le sol et ne lévite pas comme on pourrait s’y attendre avec une forme de matière qui se présente comme « l’opposé » de matière normale signifie donc que l’antigravité n’existe pas, du moins en ce qui concerne l’antimatière.

Il s’agit d’une énième confirmation de la théorie de la relativité générale d’Einstein, qui prédit que toutes les masses, quelles que soient les différences dans leurs structures internes, réagissent de la même manière à la gravité.

« Si vous parcourez les couloirs de ce département et demandez aux physiciens, ils vous diront tous que ce résultat n’est pas du tout surprenant. C’est la réalité« , explique Jonathan Wurtele, de l’Université de Californie à Berkeley et co-auteur de la nouvelle étude. « Cependant, la plupart d’entre eux vous diront aussi qu’il était nécessaire de faire l’expérience, parce qu’on ne peut jamais en être sûr« .

L’équipe a également découvert que l’accélération gravitationnelle de l’antihydrogène était proche de celle de la matière normale, soit 9,8 mètres par seconde carrée. Ce résultat devrait également s’appliquer à d’autres particules d’antimatière, affirment les chercheurs.

Mais alors, si la matière et l’antimatière agissent de manière si similaire, où est l’antimatière manquante dans l’univers ? C’est encore une question ouverte.

Les détails de ces travaux sont publiés dans la revue Nature.