Malheureusement, de nombreux céphalopodes dépendent aujourd’hui de nos déchets

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Crédits : Eric Desmet

Nous savons que les céphalopodes utilisent des abris artificiels depuis des décennies, mais ce phénomène semble en augmentation. Malgré tous les effets positifs possibles, l’utilisation de cette litière humaine comme abri pourrait avoir des implications négatives.

Pendant des années, plongeurs et scientifiques ont observé des céphalopodes pondant leurs œufs sur du plastique ou des filets de pêche abandonnés. Certains ont même été observés en train d’utiliser des bouteilles en verre, des pots en céramique et autres canettes rouillées pour s’abriter.

Au départ, nos déchets ne représentaient qu’une alternative aux coquillages ou coraux, mais ces derniers tendent à disparaître, tandis que nos restes sont devenus omniprésents dans l’océan. Et malheureusement, à bien des égards, il semblerait que la reproduction et la survie des poulpes dépendent aujourd’hui de ces déchets.

Dans le cadre de récents travaux, des biologistes marins de l’Université fédérale de Rio Grande, au Brésil, ont tenté d’élucider les interactions des poulpes avec les déchets marins en identifiant les types d’interactions et les espèces et régions affectées. Pour ce faire, ils ont analysé 261 images sous-marines à partir des archives de la « science citoyenne ». Certaines images ont également été fournies par des scientifiques et des instituts de recherche marine.

Le verre privilégié

D’après l’étude, publiée dans le Marine Pollution Bulletin, les chercheurs ont identifié huit genres et vingt-quatre espèces de poulpes benthiques interagissant avec les déchets. Les auteurs s’attendaient à ce que le plastique soit le matériau le plus couramment utilisé. En réalité, les objets en verre étaient les plus prisés, présents dans 41,6 % des interactions. Le plastique était quant à lui utilisé dans près de 25% des cas observés.

Pourquoi le verre ? Parce que cette matière, plus lourde, coule plus facilement, ce qui pourrait la rendre plus attrayante pour les créatures des fonds marins. De plus, les goulots d’étranglement pourraient empêcher les prédateurs de pénétrer à l’intérieur. Enfin, « la texture du verre pourrait être plus similaire que celle du plastique à la texture interne des coquillages, contribuant à son utilisation comme abri« , notent les auteurs.

Les plupart des images provenaient d’Asie et dataient de 2018 à 2021. Les chercheurs soulignent ainsi que les enregistrements d’interactions poulpe/litière ont augmenté au cours des dernières années.

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Crédits : Steven Trainoff

De possibles répercussions négatives

Si les déchets humains apparaissent comme une alternative utile aux formes naturelles de protection, les chercheurs s’inquiètent d’une possible dépendance de ces créatures à nos déchets pour se réfugier.

« Tout effet positif apparent pourrait également avoir plusieurs conséquences néfastes et indirectes« , peut-on lire dans l’étude. « Certains déchets pourraient par exemple exposer les pieuvres à des produits chimiques toxiques ou à des métaux lourds« . Les chercheurs font notamment référence à l’une des photos recueillies sur laquelle une pieuvre s’accroche à une batterie fortement dégradée. L’enchevêtrement est également une préoccupation, ainsi que les dommages physiques causés par les arêtes vives.

Les auteurs notent que certaines espèces nouvellement décrites, comme la pieuvre pygmée au Brésil (Paroctopus cthulu), ne semblent utiliser que nos déchets. Il n’y a en effet aucun registre officiel de cette espèce utilisant des objets naturels comme des coquillages pour s’abriter, probablement en raison de la rareté de ce matériau dans son environnement. D’après les images, cette créature semble privilégier les canettes de bière jetées par-dessus bord par les bateaux de tourisme.

Grâce aux images de véhicules télécommandés, les chercheurs ont également découvert que même les pieuvres des grands fonds de la Méditerranée utilisaient nos déchets. Enfin, l’espèce la plus couramment enregistrée en train d’interagir avec nos déchets était le poulpe de noix de coco (Amphioctopus marginatus).

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Poulpe à la noix de coco dans une bouteille en verre. Crédits : WhitcombeRD

Pour les auteurs, la science citoyenne a fourni des preuves importantes sur les interactions poulpe/déchets marins, soulignant sa valeur et la nécessité de plus d’investigations sur le sujet. Ces informations seront en effet fondamentales pour aider à prévenir et à atténuer les impacts de nos déchets sur ces animaux.