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Ce que les scientifiques viennent de découvrir dans votre intestin va changer votre rapport au plastique

Chaque jour, sans même le savoir, vous ingérez l’équivalent d’une carte de crédit en microplastiques. Ces particules invisibles ne se contentent pas de traverser votre organisme : elles modifient profondément l’écosystème bactérien de votre intestin, avec des conséquences que la science commence tout juste à comprendre. Une étude autrichienne présentée ce mois-ci révèle pour la première fois comment ces fragments de plastique reprogramment littéralement votre flore intestinale.

Une invasion silencieuse aux proportions alarmantes

Les microplastiques sont partout. Littéralement. Ces particules de moins de cinq millimètres ont colonisé chaque recoin de notre planète, du sommet de l’Everest aux abysses de la fosse des Mariannes. Mais leur présence la plus inquiétante se situe peut-être à l’intérieur même de notre corps : dans notre sang, notre cœur, et désormais, comme le confirme cette nouvelle recherche, dans notre système digestif où elles exercent une influence insoupçonnée.

Les chiffres donnent le vertige. Chaque année, un être humain moyen absorbe entre 78 000 et 211 000 particules de microplastiques par le biais de l’eau qu’il boit, des aliments qu’il consomme et de l’air qu’il respire. Cette contamination massive n’est plus une hypothèse, mais une réalité documentée qui soulève une question cruciale : quel impact ces intrus microscopiques ont-ils réellement sur notre santé ?

Une expérience qui lève le voile

Pour répondre à cette interrogation, des chercheurs du Centre de recherche sur les biomarqueurs en médecine de Graz, en Autriche, ont mené une investigation inédite. Leur approche ? Reproduire en laboratoire l’environnement intestinal humain et observer en temps réel les réactions du microbiome face à différents types de plastiques.

L’équipe a cultivé des bactéries intestinales prélevées chez cinq volontaires en bonne santé, puis les a exposées à cinq variétés de microplastiques parmi les plus répandues : polystyrène, polypropylène, polyéthylène, poly(méthacrylate de méthyle) et polyéthylène téréphtalate. Les doses testées allaient des niveaux d’exposition quotidienne estimés jusqu’à des concentrations plus élevées, permettant d’identifier des effets dose-dépendants.

Des bouleversements qui font écho à des pathologies graves

Les résultats sont aussi fascinants qu’inquiétants. Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, le nombre total de bactéries reste relativement stable. Ce qui change, c’est la nature même de l’écosystème intestinal. Les cultures exposées aux microplastiques ont toutes montré une acidification marquée, signe d’une modification profonde du métabolisme bactérien.

Plus troublant encore : la composition du microbiome se réorganise en fonction du type de plastique introduit. Certaines familles bactériennes prospèrent tandis que d’autres régressent. Les Lachnospiraceae, Oscillospiraceae, Enterobacteriaceae et Ruminococcaceae figurent parmi les groupes les plus affectés. Or, ces familles jouent un rôle fondamental dans la digestion et le maintien de la santé intestinale.

Cette reconfiguration bactérienne s’accompagne d’une modification des substances chimiques produites par ces micro-organismes. Les niveaux d’acide valérique, d’acide 5-aminopentanoïque, de lysine ou encore d’acide lactique varient selon le type de microplastique présent, créant un nouveau paysage métabolique intestinal.

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Un parallèle glaçant avec des maladies connues

Ce qui alarme particulièrement les scientifiques, c’est la ressemblance entre ces perturbations et celles observées chez des patients atteints de pathologies sérieuses. Les modifications induites par les microplastiques rappellent en effet les signatures microbiennes caractéristiques de la dépression et du cancer colorectal.

Christian Pacher-Deutsch, principal auteur de l’étude, avance plusieurs hypothèses pour expliquer ces bouleversements. Les microplastiques pourraient créer des micro-environnements physiques ou chimiques favorables à certaines bactéries au détriment d’autres. Des biofilms peuvent se former à leur surface, offrant de nouvelles niches écologiques que certains microbes colonisent préférentiellement. Les substances chimiques contenues dans les plastiques pourraient également interférer directement avec les processus métaboliques bactériens, provoquant une réaction en chaîne qui déséquilibre l’ensemble du système.

Une prise de conscience nécessaire

Cette recherche constitue la première observation directe de l’interaction entre microplastiques et microbiome intestinal humain. Si les mécanismes précis demandent encore à être élucidés, les implications sont déjà claires : notre environnement saturé de plastique pourrait avoir des répercussions profondes et durables sur notre santé, par des voies que nous commençons seulement à entrevoir.

Face à cette réalité, la question n’est plus de savoir si les microplastiques nous affectent, mais dans quelle mesure et comment limiter notre exposition à ces envahisseurs microscopiques qui redessinent silencieusement la carte de notre écosystème intérieur.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.