Au cours des dernières décennies, la surface de l’océan Austral s’est légèrement refroidie. Une évolution qui peut sembler paradoxale en contexte de réchauffement climatique. Toutefois, une étude parue ce 21 janvier dans la revue Nature communications nous rappelle qu’il s’agit pour ainsi dire de l’arbre qui cache la forêt.
La complexité du réchauffement autour de l’Antarctique
Si 90 % de l’énergie additionnelle piégée par les gaz à effet de serre que nous rejetons se stocke dans l’océan, elle se répartit de façon inégale entre les différents bassins océaniques du globe. En effet, entre 1970 et 2017, 35 % à 40 % de cette chaleur a été absorbée par l’océan Austral. Sur la période plus récente s’étendant de 2005 à 2017, cette proportion atteint 45 % à 60 %. Autrement dit, par son imposante masse et sa dynamique très caractérisée, l’océan Austral joue un rôle majeur dans la régulation du climat global.
Cependant, la déclinaison locale du réchauffement dans cette zone du globe est complexe. Aussi, on note une répartition différenciée des tendances à la surface de l’océan. Un maximum de réchauffement est observé au sud des mers d’Amundsen et de Bellingshausen. Ailleurs, on constate plutôt un refroidissement. Un fait qui peut paraître paradoxal compte tenu de ce qui a été évoqué plus haut. Toutefois, le paradoxe s’efface lorsqu’on s’intéresse à ce qu’il se passe à quelques centaines de mètres de profondeur.
Océan austral : un réchauffement rapide et marqué en profondeur
Grâce à de précédents travaux, on savait déjà que le réchauffement était malgré tout bien présent sous la surface. Mais les données restaient limitées. Or, dans une étude parue ce 21 janvier, des chercheurs français et australiens ont publié la série de données la plus précise jamais produite à ce jour quant à l’évolution des températures de l’océan Austral. Cette dernière couvre les 25 dernières années et précise les évolutions sur les 800 premiers mètres d’eau selon une section nord-sud.
On constate que le léger refroidissement superficiel masque une hausse de température bien plus rapide et marquée en profondeur. Plus précisément, à un taux de 0,04 °C par décennie – ce qui est ample quand on sait la quantité d’eau impliquée et la capacité calorifique de celle-ci. Par ailleurs, les scientifiques ont constaté que ces eaux réchauffées remontaient vers la surface à un rythme avoisinant 40 mètres par décennie. Trois à dix fois plus que les estimations précédentes !
Sans grande surprise, un tel enfouissement de chaleur a des implications fortes pour le gigantesque inlandsis antarctique. En particulier, il fragilise les bases de certains secteurs de la calotte. De fait, la probabilité de voir des pertes brutales de glace – comme ce fut le cas avec le Larsen A, B et C – va en grandissant. Malheureusement, d’importantes incertitudes persistent toujours au sujet de la vulnérabilité réelle de l’inlandsis austral. La poursuite des recherches et le renforcement des campagnes de mesures seront les clés nécessaires à une meilleure compréhension des processus en jeu.