Depuis près d’un siècle, les astrophysiciens sont convaincus que l’univers est dominé par deux entités mystérieuses : la matière noire et l’énergie noire. Invisibles et indétectables directement, elles serviraient pourtant à expliquer l’essentiel de ce que nous observons dans le cosmos. Mais une étude récente menée par Rajendra Gupta, professeur de physique à l’Université d’Ottawa, remet en cause cette idée radicalement. Selon lui, ces concepts pourraient être des illusions créées par l’évolution lente des forces fondamentales de la nature. Une hypothèse qui, si elle s’avère juste, pourrait bouleverser la cosmologie telle que nous la connaissons.
Quand l’invisible devient inutile
Depuis les années 1930, les astronomes observent des anomalies qui ne collent pas avec les lois de la gravité telles que nous les comprenons. Les étoiles situées à la périphérie des galaxies tournent beaucoup plus vite qu’elles ne devraient, comme si elles étaient retenues par une masse invisible. De même, les mesures de l’expansion de l’univers montrent qu’il s’accélère, ce qui laisse penser à une mystérieuse « énergie noire » qui pousserait l’espace à s’étirer toujours plus rapidement.
Pour rendre compte de ces phénomènes, le modèle cosmologique standard introduit deux ingrédients hypothétiques : environ 27 % de matière noire et 68 % d’énergie noire (soit environ 95% au total), contre seulement 5 % de matière dite « ordinaire » (étoiles, planètes, gaz). Or, après des décennies de recherches et des milliards investis dans des détecteurs ultraprécis, aucune particule de matière noire n’a encore été observée.
C’est là qu’intervient la proposition audacieuse de Rajendra Gupta. Plutôt que d’imaginer des substances invisibles, il avance que les forces fondamentales de l’univers — comme la gravité — s’affaiblissent progressivement au fil du temps. Ce changement subtil mais constant pourrait, à lui seul, expliquer pourquoi les galaxies et l’expansion cosmique se comportent de manière « anormale ».
Une équation unique pour expliquer deux mystères
Dans son étude, Gupta introduit un paramètre, noté α, qui émerge de la variation des constantes fondamentales. À grande échelle cosmologique, ce paramètre agit comme une force qui semble accélérer l’expansion de l’univers, imitant ainsi l’effet de l’énergie noire. Mais à l’échelle astrophysique, dans une galaxie donnée, α se comporte différemment : il crée une « gravité supplémentaire » là où la matière visible est rare, ce qui reproduit les courbes de rotation étranges que les astronomes attribuaient jusque-là à la matière noire.
La force de ce modèle réside dans sa simplicité. Alors que le paradigme standard doit utiliser deux entités distinctes — matière noire et énergie noire — pour expliquer des phénomènes différents, la théorie de Gupta propose une seule et même équation. Autrement dit, l’univers ne serait pas gouverné par des ingrédients mystérieux, mais par la lente évolution des lois qui déterminent leur intensité.
Cette idée permet aussi d’éclairer des énigmes restées sans réponse. Par exemple, comment expliquer que des galaxies massives et même des trous noirs supermassifs soient apparus si tôt après le Big Bang ? Avec le modèle de Gupta, l’univers serait en réalité presque deux fois plus âgé que prévu. Cela offrirait bien plus de temps pour la formation progressive de ces structures colossales.

Une révolution ou une illusion ?
Si la théorie de Gupta se confirmait, ses implications seraient vertigineuses. La recherche de particules de matière noire, qui mobilise depuis des décennies des laboratoires souterrains, des accélérateurs de particules et des télescopes spatiaux, pourrait s’avérer inutile. Les milliards investis n’auraient alors poursuivi qu’une chimère. En parallèle, la notion d’énergie noire, considérée comme l’un des plus grands mystères de la physique moderne, pourrait disparaître purement et simplement du vocabulaire scientifique.
Reste que cette hypothèse est loin de faire l’unanimité. Le modèle cosmologique standard, malgré ses zones d’ombre, a jusqu’ici permis de prédire avec une grande précision de nombreuses observations, du fond diffus cosmologique à la distribution des galaxies. Les idées de Gupta devront donc être testées rigoureusement et confrontées à une multitude de données pour espérer s’imposer.
Quoi qu’il en soit, ce travail a déjà une vertu : rappeler que la science progresse en questionnant les évidences. Comme le souligne Gupta, « parfois, l’explication la plus simple est la meilleure ». Et si ce que nous prenons pour des forces occultes n’était qu’un effet de perspective, lié à la transformation lente et discrète des constantes naturelles ? Cette possibilité, vertigineuse, ouvre une nouvelle voie dans la quête pour comprendre ce que l’univers est réellement fait.
En somme, l’étude de Rajendra Gupta propose un renversement de paradigme : remplacer deux entités invisibles par une seule idée élégante, celle de forces qui évoluent avec le temps. Si cette vision se confirmait, elle ne se contenterait pas de résoudre l’un des plus grands casse-têtes de l’astrophysique moderne. Elle réécrirait littéralement l’histoire de l’univers.
