Ce mille-pattes évolue dans l’un des lieux les plus isolés et inhospitaliers de la Terre

mille-pattes
Cryptos speleorex. Crédits : Varpu Vahtera

Une nouvelle espèce de mille-pattes a récemment été découverte par une équipe internationale de chercheurs dans la grotte roumaine de Movile. Cet environnement unique au monde est pourtant l’un des plus inhospitaliers.

Une équipe de chercheurs détaille la découverte d’une espèce de mille-pattes troglobionte récemment isolée dans la grotte de Movile, en Roumanie. Coupé du monde extérieur pendant environ 5,5 millions d’années, avant qu’il ne soit découvert en 1986, cet environnement n’est pourtant pas un endroit où il fait bon vivre. Du moins, au premier abord.

Dans cet écosystème souterrain unique, l’oxygène est en effet deux fois moins abondant que ce à quoi nous sommes habitués, l’obscurité y est totale, et le taux d’humidité atteint les 100%. Sans oublier les niveaux importants de soufre, de méthane, d’ammoniac et de dioxyde de carbone présents dans l’air. Au premier abord, cette grotte ne dispose donc pas des conditions nécessaires au développement de la vie. Mais comme le dit si bien le Dr. Ian Malcolm dans Jurassic Park, « la vie trouve toujours un chemin« .

Un réseau trophique en autarcie

D’autant que ce cette espèce de mille-patte, nommée Cryptops speleorex, n’est pas seule en ces lieux. Au dernier recensement, la grotte hébergeait en effet pas moins de 51 espèces d’invertébrés dont 34 sont endémiques. Tous en bas de l’échelle alimentaire se trouvent des bactéries tirant leur subsistance d’un phénomène de synthèse chimique. Concrètement, elles produisent de l’énergie en oxydant le sulfure d’hydrogène présent en abondance dans l’atmosphère et l’eau de la grotte et s’en servent pour synthétiser des molécules nourricières à partir de dioxyde de carbone.

Ces bactéries servent ensuite de nourriture à d’autres bactéries, dites filamenteuses, et à des champignons. Eux-mêmes sont ensuite consommées par des vers et des crustacés, qui à leur tour sont chassés par des prédateurs plus imposants, de types araignées et mille-pattes. Vous obtenez alors un réseau trophique en totale autarcie capable de se développer sans apport d’énergie solaire.

mille-pattes
Crédits : MIHAI BACIU, GESS LAB, MANGALIA

Cryptops speleorex, avec ses cinq centimètres de long, est le plus gros de ces prédateurs. En comparant son ADN à celui de Cryptos anomalans, un autre mille-pattes retrouvé non loin en surface, les chercheurs ont constaté que ces deux espèces ont bel et bien évolué chacune de leur côté durant plusieurs millions d’années. Preuve, une fois de plus, de la parfaite « étanchéité » de cette grotte. Certes, cette cave présente bien ici et là quelques cavités capables, sur le papier, de pouvoir autoriser les échanges avec le monde extérieur, mais toutes sont obstruées par de l’argile.

Les détails de l’étude sont publiés dans la revue ZooKeys.