eau de mer
Crédits : cookelma/istock

Ce matériau « éponge solaire » transforme l’eau de mer en eau potable — sans aucune électricité

Et si une simple éponge rigide pouvait transformer l’eau de mer en eau douce, uniquement grâce au soleil ? C’est la promesse étonnante d’un nouveau matériau développé par des chercheurs de l’Université polytechnique de Hong Kong, qui pourrait bien révolutionner le dessalement à l’échelle mondiale. À l’heure où des centaines de millions de personnes dépendent du dessalement pour survivre, cette innovation low-tech et durable tombe à pic.

Le défi mondial de l’eau douce

Notre planète bleue déborde d’eau, mais 97,5 % de celle-ci est salée, et donc impropre à la consommation. Dans un monde où la population ne cesse de croître, où les sécheresses se multiplient et où les ressources en eau douce s’épuisent, le dessalement de l’eau de mer est devenu une technologie vitale.

Le problème ? Les usines de dessalement conventionnelles sont voraces en énergie, coûteuses à construire et difficiles à maintenir. Elles posent aussi des problèmes environnementaux, notamment à cause des rejets de saumure et de la consommation d’énergie fossile.

D’où l’urgence de trouver des solutions de dessalement plus propres, accessibles et peu énergivores.

Une éponge rigide… alimentée par le soleil

L’équipe dirigée par Xi Shen a développé un matériau révolutionnaire : un aérogel noir, semblable à une éponge solide, qui peut transformer de l’eau salée en eau douce sans aucune alimentation électrique, uniquement avec la lumière naturelle du soleil.

Le secret de ce matériau ? Sa structure interne.

Contrairement aux hydrogels souples que l’on trouve dans certaines éponges nettoyantes, cet aérogel est rigide et parcouru de milliers de minuscules pores verticaux. Ces « chemins » microscopiques, de seulement 20 micromètres de large, permettent à la vapeur d’eau de circuler rapidement vers la surface pour s’évaporer.

Ce matériau a été créé à partir d’un mélange de nanotubes de carbone et de nanofibres de cellulose, imprimé en 3D couche par couche sur une surface gelée, formant une structure uniforme.

Comment ça fonctionne, concrètement ?

Le processus est d’une simplicité étonnante. Pour tester leur invention, les chercheurs ont placé un morceau d’aérogel sur un récipient d’eau de mer, puis l’ont recouvert d’un couvercle en plastique transparent incurvé.

Lorsque le soleil tape, l’aérogel chauffe rapidement. Il attire l’eau par capillarité, la chauffe, puis la transforme en vapeur, en laissant le sel derrière lui. Cette vapeur d’eau monte jusqu’au couvercle plastique, se condense en gouttelettes, et retombe dans un entonnoir relié à un récipient collecteur.

Résultat ? Une eau propre et potable, sans pompe, sans filtre, sans batterie. Juste avec le soleil.

éponge eau de mer
Ce n’est pas une chaîne en papier, c’est un matériau imprimé en 3D qui absorbe l’eau de mer, la purifiant en eau sans sel. Crédit
Adapté de ACS Energy Letters 2025

Une technologie scalable

Lors des essais, l’équipe a testé plusieurs tailles d’échantillons : du petit carré d’un centimètre de côté jusqu’à des pièces de 8 centimètres. Surprise : le rendement d’évaporation est resté identique, peu importe la taille du matériau.

Cela signifie que cette technologie est parfaitement évolutive. On peut en théorie empiler, agrandir ou connecter plusieurs modules pour alimenter une maison, un village, ou plus.

Après six heures d’exposition au soleil, l’appareil de test a généré environ trois cuillères à soupe d’eau potable. Une petite quantité à l’échelle domestique, mais le principe est éprouvé — et pourrait être industrialisé avec un investissement minimal.

Un espoir pour les régions en crise hydrique

Aujourd’hui, plus de 300 millions de personnes dans 150 pays dépendent du dessalement pour répondre à leurs besoins quotidiens. Mais très peu d’entre eux ont accès à des installations modernes.

Ce matériau pourrait devenir un outil puissant pour les zones reculées, les villages isolés, les camps de réfugiés ou même les situations d’urgence humanitaire. Il ne nécessite ni infrastructure lourde, ni électricité, ni expertise technique pour être utilisé.

Et dans un contexte de changement climatique et de stress hydrique généralisé, des innovations simples, efficaces et décentralisées comme celle-ci pourraient faire toute la différence.


Vers une nouvelle ère du dessalement ?

Cette innovation s’inscrit dans une tendance plus large : réinventer le dessalement avec des ressources naturelles, notamment l’énergie solaire. Le MIT a déjà présenté des systèmes de dessalement solaires passifs prometteurs, mais la solution proposée par l’équipe hongkongaise brille par sa simplicité extrême et son potentiel de fabrication à bas coût.

Bien sûr, des défis subsistent : industrialisation, durée de vie du matériau, efficacité à grande échelle, recyclage, etc. Mais la preuve de concept est solide.

Et si, demain, il suffisait de quelques « éponges solaires » posées au soleil pour fournir de l’eau potable à des millions de personnes ? Ce qui semblait encore de la science-fiction il y a quelques années pourrait bientôt devenir réalité.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.