Cassini est certes en train de mourir, mais Huygens est encore bien présent

Crédits : Nasa

Tandis que le monde s’apprĂªte Ă  vivre le suicide orchestrĂ© de Cassini dans l’atmosphère de Saturne ce vendredi, il est important de rappeler que non loin de lĂ  (Ă  moins d’un million de kilomètres de distance) repose Huygens. LarguĂ©e sur Titan en 2005, la sonde est probablement encore sur place, intacte ou presque, et ce, pour des millions d’annĂ©es encore.

Seule lune du Système solaire à disposer d’une atmosphère épaisse (plus dense encore que celle de la Terre) Titan, la plus grosse lune de Saturne, dissimule sa surface derrière ses nuages orangés. Sur place, à plus de 1,3 milliard de kilomètres de la Terre, erre un engin nommé Huygens, une petite sonde spatiale de 350 kg développée par l’Agence spatiale européenne dans le cadre de la mission Cassini-Huygens pour recueillir in situ des données sur l’atmosphère et la surface de Titan. Une fois Cassini réduite en cendres, ce vendredi, la sonde Huygens, à moins d’un million de kilomètres de distance, sera dès lors la seule preuve de la présence passée de sa partenaire.

TransportĂ©e jusqu’aux abords de Saturne par Cassini, Huygens fut larguĂ©e par sa compagne après un transit de près de sept ans près de son objectif en dĂ©cembre 2004. Huygens aura atteint Titan le 14 janvier 2005. Après avoir pĂ©nĂ©trĂ© l’atmosphère dense de la lune Ă  environ 20 000 km/h, la sonde aura finalement dĂ©ployĂ©, dès 180 km d’altitude, plusieurs parachutes avant d’effectuer un atterrissage en douceur sur le sol. Huygens est d’ailleurs probablement encore Ă  l’endroit oĂ¹ Cassini l’a « dĂ©posé » il y a douze ans, installĂ© comme une pierre tombale au milieu de la poussière et des pavĂ©s glacĂ©s.

Mais Huygens n’est pas qu’une simple pierre tombale, c’est aussi la seule machine Ă  atterrir sur un monde au-delĂ  de la ceinture d’astĂ©roĂ¯des. Et sans Huygens, Cassini n’aurait jamais quittĂ© la gravitĂ© terrestre. La surface de Titan restait un mystère avant que l’ESA et la NASA ne dĂ©ploient la sonde. ObservĂ© de l’espace, Titan est un orbe brumeux. Le mĂ©thane se transforme en cyanure d’hydrogène et d’autres hydrocarbures dans son atmosphère riche en azote, colorant ainsi le ciel d’un orange un peu passĂ©. Mais qu’y a-t-il en dessous ?

La surface de Titan photographiée par la sonde à dix kilomètres d’altitude. Crédits : ESA/NASA/JPL/University of Arizona

MalgrĂ© quelques problèmes techniques rencontrĂ©s — Huygens Ă©tait programmĂ© pour transmettre ses donnĂ©es tĂ©lĂ©mĂ©triques et scientifiques Ă  Cassini en orbite qui les relaye ensuite Ă  destination de la Terre au moyen de deux Ă©metteurs radio dĂ©nommĂ©s canal A et canal B. Ă€ cause d’une erreur du logiciel de commande, Cassini n’a jamais ouvert le canal A – Huygens aura permis de collecter de nombreuses informations scientifiques sur le satellite. Les sons enregistrĂ©s lors de l’atterrissage permettent d’estimer que la sonde s’est posĂ©e sur une surface plus ou moins boueuse ou du moins très souple. Il fut ensuite confirmĂ© que Huygens avait atterri dans la « boue de Titan » Ă  la consistance du sable, situĂ©e près du littoral d’un ocĂ©an liquide composĂ© de mĂ©thane. L’un des scientifiques de l’ESA avait d’ailleurs dĂ©crit la texture et la couleur de la surface de Titan comme une sorte de « crème brĂ»lĂ©e ».

La toute première image du sol de Titan, prise par Huygens. Crédits : ESA/NASA/JPL/University of Arizona

Nous savons Ă©galement aujourd’hui que les paysages de Titan prĂ©sentent de nombreuses similitudes avec ceux de la Terre. Brouillards, prĂ©cipitations, Ă©rosions, rĂ©seaux de chenaux de drainage, lacs assĂ©chĂ©s, paysages cĂ´tiers et chapelets d’îles, les processus physiques qui ont façonnĂ© Titan sont en effet très proches de ceux qui ont modelĂ© la Terre il y a très longtemps. La sonde nous a donnĂ© « une nouvelle vue sur Titan qui semble avoir une mĂ©tĂ©orologie, une gĂ©ologie et une activitĂ© fluviale extraordinairement terrestre », avait alors Ă©crit Jean-Pierre Lebreton, de l’ESA, dans la revue Nature en 2005. Les composĂ©s diffèrent nĂ©anmoins et l’eau y est remplacĂ©e par du mĂ©thane. Ainsi, lorsqu’il le met Ă  pleuvoir sur Titan, ce sont des gouttes de mĂ©thane mĂªlĂ©es de traces d’hydrocarbures qui tombent, dĂ©posant sur le sol Ă  -180 degrĂ©s des substances provenant de l’atmosphère.

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