L’administration orale de protéines par des médicaments est limitée par l’environnement dégradant du tractus gastro-intestinal. Pour contourner ce problème, des chercheurs ont développé une petite capsule capable d’éliminer localement le mucus de nos intestins pour livrer ensuite une charge médicamenteuse.
La voie orale est la méthode d’administration de médicaments la plus courante, la plus rentable et la plus pratique. Cependant, elle n’est pas la plus efficace. Avant d’être absorbées, les macromolécules doivent en effet surmonter un certain nombre de défis. Les médicaments passent en effet d’abord l’environnement acide de l’estomac et se dissolvent dans le liquide gastro-intestinal. Les molécules doivent ensuite rester stables parmi le microbiote intestinal dynamique et les enzymes de dégradation pour finalement pénétrer à travers la barrière visqueuse du mucus.
Les faibles niveaux de biodisponibilité inhérents à la voie orale conduisent ainsi de nombreux médicaments à nécessiter des voies d’administration alternatives. C’est notamment le cas de l’insuline, nécessaire quotidiennement pour des millions de diabétiques dans le monde, dont la biodisponibilité orale est inférieure à 1 %. C’est pourquoi les concernés ont besoin d’injections sous-cutanées. La vancomycine, une molécule utilisée dans les infections bactériennes à Gram positif graves, présente également une biodisponibilité orale très faible de 0,069 à 4 %. C’est pourquoi elle est administrée par intraveineuse.
Le problème est que ces alternatives sont coûteuses et contraignantes. Il est donc nécessaire d’imaginer de nouvelles approches permettant de passer outre ces obstacles dans le but de proposer des médicaments plus largement acceptables. Une étude récente publiée dans Science va en ce sens.
Percer le mucus intestinal
Dans nos intestins, l’absorption des médicaments est principalement entravée par la barrière de mucus. Celle-ci représente la première ligne de défense contre les menaces biologiques et chimiques qui traversent notre tube digestif. Pour « percer » cette barrière et pour finalement atteindre la surface épithéliale (sous le mucus), des chercheurs ont imaginé un dispositif robotique d’administration de médicaments ingérable par voie orale capable de percer localement cette couche de mucus. Ce dispositif, le RoboCap, est dimensionné comme une capsule triple zéro et peut théoriquement transporter un volume de charge utile de médicament allant jusqu’à 342,6 mm.
Un revêtement gélatineux masque l’architecture de surface pour éviter l’inconfort lors de la déglutition. Lors du passage dans l’estomac, le liquide gastrique érode ensuite ce revêtement gélatineux pour exposer les caractéristiques de surface. En atteignant l’intestin grêle, le pH du liquide intestinal déclenche un processus permettant de démarrer le RoboCap. À l’intérieur, un poids déporté monté latéralement sur un moteur génère une force centripète qui provoque la vibration et la rotation de la capsule contre le frottement de surface. Cette approche permet de diriger le dispositif dans la direction voulue.
Une absorption dix fois supérieure
Des tests menés in vivo sur des portions d’intestins grêles de porcs anesthésiés ont prouvé l’efficacité de cette capsule dans l’administration de deux médicaments peptidiques modèles : la vancomycine et l’insuline. Les niveaux d’absorption des molécules étaient en effet dix fois supérieurs en moyenne comparés à ceux du groupe témoin (par voie orale classique).
L’administration d’insuline avec le RoboCap aurait également entraîné une absorption des molécules plus progressive par rapport à l’injection sous-cutanée. Cela pourrait s’avérer utile pour divers médicaments nécessitant une libération prolongée.
Pour les auteurs de l’étude, ces résultats justifient le potentiel important de cette approche pour permettre l’absorption de molécules qui n’avaient jusqu’à présent pas vraiment de potentiel thérapeutique par voie orale. D’autres études menées chez le porc et l’Homme devraient optimiser la posologie de ces médicaments. L’augmentation de leur efficacité pourrait en effet permettre de limiter les dosages, et donc de réduire les coûts.