cancer microbiote
Crédits : Oleksandra Troian/istock

Cancer : cette bactérie tapie dans votre intestin pourrait un jour sauver des vies

Le microbiote intestinal recèle encore bien des mystères, mais les chercheurs commencent à percer ses secrets les plus surprenants. Dernière avancée en date : l’identification d’une bactérie capable d’amplifier les effets des traitements contre le cancer, en particulier ceux reposant sur l’immunothérapie. Cette piste ouvre de nouvelles perspectives pour renforcer l’efficacité de ces thérapies, aujourd’hui limitées à une fraction des patients.

Une bactérie méconnue, un effet puissant

Tout part d’une question qui intrigue les chercheurs depuis plusieurs années : pourquoi certains malades répondent-ils très bien aux traitements d’immunothérapie, quand d’autres n’en tirent presque aucun bénéfice ? Ces traitements, appelés inhibiteurs de points de contrôle immunitaire, visent à « libérer » les défenses naturelles du patient afin que son propre système immunitaire puisse s’attaquer aux cellules cancéreuses. Mais malgré leur efficacité spectaculaire chez certains, ils échouent encore chez beaucoup.

Pour comprendre ces différences, l’équipe du Dr Hiroyoshi Nishikawa, du Centre national du cancer de Tokyo, a eu l’idée de se pencher sur le microbiote intestinal de patients traités. En comparant des échantillons de selles de malades répondeurs et non-répondeurs, les chercheurs ont transplanté ces microbiotes dans l’intestin de souris atteintes de tumeurs. Résultat : les rongeurs ayant reçu le microbiote des patients les plus réceptifs au traitement ont eux aussi montré une meilleure réponse.

Le lien était établi, restait à identifier le responsable. Après plus d’un an et demi de recherches minutieuses, les scientifiques ont découvert le microbe en question : Hominenteromicrobium mulieris. Jusqu’ici, cette bactérie n’avait suscité guère d’intérêt. Présente dans l’intestin humain, elle vit discrètement dans un environnement pauvre en oxygène, riche en nutriments. Mais son rôle potentiel dans l’immunothérapie change radicalement son statut.

Comment ça fonctionne ?

Chez la souris, H. mulieris stimule un maillon essentiel du système immunitaire : les cellules dendritiques. Ces cellules, véritables éclaireurs, captent des signaux de danger et migrent vers les tumeurs, où elles activent d’autres acteurs de l’immunité, notamment les lymphocytes T. Ces derniers sont chargés de traquer et d’éliminer les cellules cancéreuses. Le rôle des inhibiteurs de points de contrôle est justement de lever les freins qui entravent l’action de ces lymphocytes. En renforçant cette activation immunitaire dès l’amont, la bactérie démultiplie donc les effets du traitement.

D’autres microbes avaient déjà été identifiés comme capables d’influencer l’efficacité de ces thérapies, mais H. mulieris semble surpasser tous ses prédécesseurs. Les tests réalisés ont montré un effet bien plus net et plus fiable que ceux observés avec d’autres bactéries similaires.

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Une illustration du microbiote intestinal. Crédits : Oleksandra Troian/istock

Des essais cliniques en vue

Fort de ces résultats, l’équipe de Nishikawa s’est associée à une biotech pour préparer un essai clinique dans les prochaines années. L’objectif : vérifier si cette bactérie peut, chez l’homme, renforcer l’efficacité des inhibiteurs de points de contrôle, comme elle le fait chez la souris. Si les résultats sont aussi encourageants que ceux obtenus en laboratoire, cette avancée pourrait marquer un tournant dans le traitement de certains cancers.

Les chercheurs restent toutefois prudents. Le microbiote humain est d’une grande complexité, et il est peu probable qu’une seule bactérie suffise à optimiser l’immunité de tous les patients. Mais cette découverte va dans le sens d’une médecine plus personnalisée, où l’on pourrait un jour administrer des cocktails sur mesure de bactéries pour maximiser les chances de succès thérapeutique.

Cette recherche confirme en tout cas l’importance croissante du microbiote dans la lutte contre le cancer. L’intestin, souvent surnommé « notre deuxième cerveau », pourrait bien devenir, dans les années à venir, un allié stratégique dans le combat contre la maladie.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.