Les océans sont depuis longtemps le théâtre de formidables échanges sonores, des clics et sifflements des dauphins au chant envoûtant des baleines à bosse. Parmi ces voix océaniques, les cachalots (Physeter macrocephalus) se démarquent également par leurs interactions sonores complexes. Une récente avancée de la recherche a considérablement élargi notre compréhension de la structure de leurs vocalisations.
Décrypter le langage des cachalots
Les cachalots vivent en sociétés matrilinéaires, avec des groupes sociaux comprenant généralement entre quinze et vingt individus. Au sein de ces groupes, la communication joue un rôle essentiel dans la coordination des activités, la recherche de nourriture et la cohésion sociale.
Pour opérer, ces majestueuses créatures marines utilisent une forme de langage complexe composée de séries de clics appelés « codas ». Chaque coda peut être considérée comme une unité de communication distincte émise par un individu et perçue par les autres membres du groupe.
Ce qui rend la communication des cachalots particulièrement fascinante, c’est que chaque clan possède son propre dialecte distinctif. Cela signifie que, tout comme les différentes langues humaines, les cachalots ont des variations régionales dans leurs séquences de codas et dans la signification associée à chacune d’entre elles.
Cependant, malgré cette diversité linguistique parmi les cachalots, la véritable complexité de leur langage est longtemps restée largement méconnue. Des chercheurs ont donc récemment entrepris une étude approfondie pour mieux comprendre la structure de ces codas. Pour ce faire, ils ont utilisé différentes méthodes. Une approche clé a été l’observation directe des comportements et des interactions sociales des cachalots dans leur habitat naturel depuis des navires ou des plateformes d’observation terrestres. Des dispositifs tels que les balises acoustiques attachées aux animaux et des hydrophones autonomes ont également permis de recueillir des données précises sur les vocalisations des cachalots sans perturber leur comportement naturel.
En combinant ces différentes approches, les chercheurs ont ainsi pu obtenir une vision plus complète et détaillée du langage des cachalots, ainsi que de son rôle dans leur vie sociale et écologique.
Un alphabet phonétique
L’analyse des chercheurs a révélé qu’ils présentent une variabilité dans leur structure, ce qui signifie qu’ils peuvent être combinés de différentes manières pour transmettre divers messages ou intentions.
Plus précisément, les chercheurs ont observé que les codas des cachalots peuvent incorporer des concepts musicaux tels que le rubato et l’ornementation, en plus du rythme et du tempo. Le rubato est un terme musical qui désigne une flexibilité rythmique, où les notes peuvent être jouées légèrement plus vite ou plus lentement pour exprimer une émotion ou une intention particulière. L’ornementation fait quant à elle référence à l’ajout de notes supplémentaires ou de variations dans la mélodie pour enrichir le langage musical.
En combinant ces éléments musicaux avec les caractéristiques du rythme et du tempo, les chercheurs ont pu identifier différentes façons dont les codas des cachalots peuvent être structurées. Cette compréhension plus approfondie de la variabilité structurelle des codas a conduit à la création d’un « alphabet phonétique des cachalots » qui permet de classifier et de déchiffrer les différents types de vocalisations de ces animaux.
Si la fonction précise de ces caractéristiques reste inconnue, cette découverte suggère ainsi que les cachalots pourraient posséder des capacités de communication bien plus sophistiquées que prévu, potentiellement comparables à celles des humains, pour échanger des informations, coordonner des activités sociales et peut-être même exprimer des émotions.
Il convient de noter que l’ensemble de données se concentrait principalement sur les codas des cachalots du clan des Caraïbes orientales. Les chercheurs envisagent maintenant d’étendre leurs recherches pour déterminer si cette structure de vocalisation se retrouve dans d’autres clans. À terme, ces données pourraient avoir des implications importantes pour la conservation de cette espèce emblématique et la préservation de son habitat marin.
Les détails de l’étude sont publiés dans Nature Communications.