Les bourdons sont les premiers insectes connus à « jouer »

Les bourdons européens menacent le bourdon endémique de Patagonie Crédits : Pixabay

Selon une étude inédite menée par l’Université Queen Mary de Londres, les bourdons sont capables de jouer. C’est la première fois qu’un tel comportement est observé chez un insecte, ajoutant aux preuves croissantes que ces animaux peuvent éprouver des « sentiments » positifs. Les détails de ces travaux sont publiés dans la revue Animal Behavior.

On pense que le jeu contribue au développement sain et au maintien des capacités cognitives et motrices d’un animal, ce qui peut par exemple se révéler bénéfique pour les stratégies de recherche de nourriture. Ces comportements ludiques sont également considérés comme un aspect important du bien-être animal.

Comment définir le « jeu » ?

Cinq critères ont été définis pour établir un cadre d’étude du phénomène du jeu entre les espèces. Tout d’abord, le jeu est reconnu comme un comportement qui n’est pas entièrement fonctionnel dans le contexte dans lequel il s’exprime et qui n’aboutit donc pas à un résultat évident, immédiat et adaptatif. Le comportement ne doit par exemple pas être engagé pour obtenir une récompense (par exemple de la nourriture), des compagnons ou un abri. Le jeu est également volontaire, spontané ou gratifiant en soi.

Un comportement de jeu doit aussi différer d’un comportement immédiatement fonctionnel dans la forme. Autrement dit, les actions motrices du comportement doivent être différentes de celles utilisées par exemple lors de la recherche de nourriture ou de la tentative de s’accoupler. Enfin, jeu doit être répété et considéré comme un phénomène agréable (état détendu de l’animal).

Par ailleurs, le comportement de jeu peut être séparé en trois grandes catégories : jeu social, locomoteur et d’objet. Le premier comprend des interactions ludiques entre animaux (jeu de combat par exemple). Le second implique des mouvements corporels intenses et soutenus (courir et sauter par exemple) sans qu’il y ait besoin apparent de le faire. Enfin, la troisième catégorie consiste en la manipulation d’objets inanimés pour le plaisir.

Cela étant dit, les exemples les plus clairs de jeu proviennent de mammifères et d’oiseaux à gros cerveau. Jusqu’à présent, les enquêtes systématiques chez d’autres animaux étaient très limitées, en partie parce qu’il a été historiquement difficile de définir et d’étudier ce comportement chez certaines espèces. La question de savoir si les insectes interagissent avec des objets inanimés en tant que forme de jeu n’avait ainsi jamais été examinée. C’est désormais chose faite.

bourdons
Crédits : Hannier Pulido / ETH Zurich

L’exemple des bourdons

Dans le cadre de ces travaux, des chercheurs de l’Université Queen Mary de Londres ont dans un premier temps suivi quarante-cinq bourdons dans une arène. À l’intérieur, les insectes pouvaient marcher à travers un chemin dégagé pour atteindre une zone d’alimentation. Ils pouvaient également dévier de ce chemin pour atteindre une zone avec des boules de bois.

Au cours des expériences, les bourdons ont roulé des boules entre 1 et 117 fois. Ce comportement répété suggérait un comportement gratifiant, malgré le fait qu’il n’y ait aucune incitation apparente à le faire. Dans une autre expérience, quarante-deux autres bourdons ont eu accès à deux chambres colorées, l’une contenant toujours des boules mobiles et l’autre sans aucun objet. Là encore, les bourdons ont clairement montré une préférence pour la couleur de la chambre associée aux balles en bois.

La mise en place des expériences a supprimé toute idée que les bourdons déplaçaient les boules dans un but plus important que le jeu. En outre, tous ces comportements ont été effectués dans des conditions sans stress.

L’étude a également révélé que les plus jeunes roulaient plus de boules que les plus âgées. C’est aussi le cas chez les mammifères (humains compris) et les oiseaux juvéniles. Les mâles les jouaient aussi plus longtemps que les femelles.

Des chercheurs suggèrent ainsi que le roulement de boules de bois répond ici aux critères comportementaux indiquant le jeu chez les animaux. Autrement dit, les bourdons seraient les premiers insectes connus à véritablement jouer pour le plaisir. Cela montre une fois de plus qu’en dépit de leur petite taille et de leur petit cerveau, ces animaux peuvent éprouver des états émotionnels positifs, même rudimentaires. Ce type de découverte aura des implications sur notre compréhension de la sensibilité et du bien-être des insectes.