Manta Ray raie manta bombardier
Le prototype Manta Ray de Northrop Grumman, un drone sous-marin inspiré de la nature, actuellement en test pour de futures missions autonomes ultra-longue durée. Crédits : Northrop Grumman

Bombardier sous-marin : la marine américaine prévoit un « super-tank » rempli d’explosifs

Imaginez un immense sous-marin robot, capable de patrouiller les océans pendant des semaines, voire des mois, sans pilote humain à bord, s’adaptant à toutes sortes de missions, du renseignement à la guerre électronique. Ce n’est plus de la science-fiction, mais bien le cœur des ambitions actuelles de la marine américaine. Alors que les conflits navals évoluent vers des environnements plus complexes et contestés, notamment dans la zone stratégique de l’Indo-Pacifique, les États-Unis accélèrent le développement de systèmes autonomes sous-marins de nouvelle génération. Au centre de cette révolution technologique se trouve le programme Ocean Explorer (OEX), un gigantesque véhicule sous-marin sans pilote à longue endurance, qui pourrait bien redéfinir les règles du jeu sous la mer.

Ocean Explorer : un sous-marin autonome « super-tank » des profondeurs

Piloté par l’Office of Naval Research (ONR), le programme Ocean Explorer vise à concevoir un système autonome ultra-large capable de couvrir de vastes zones océaniques, tout en transportant des charges utiles modulaires adaptées à des missions variées. L’enjeu est de taille : créer une plateforme flexible, capable d’assurer une présence continue et discrète, tout en intégrant facilement différents équipements – capteurs, drones, armes, ou dispositifs de guerre électronique – selon les besoins tactiques.

Ce robot sous-marin n’a pas encore vu le jour, mais l’ONR a déjà lancé un appel d’offres ambitieux, invitant les industriels à soumettre leurs propositions pour la conception, le prototypage et la fabrication rapide de ce véhicule. L’objectif est clair : développer une plateforme qui puisse être déployée en escadron, avec une logistique et un soutien adaptés à une opération à grande échelle.

Un écosystème de drones sous-marins en pleine expansion

Ocean Explorer ne sera qu’un élément d’un arsenal croissant de véhicules autonomes sous-marins. Aux côtés de ce géant, la marine américaine développe aussi des systèmes comme le LDUUV (Large Displacement Unmanned Underwater Vehicle), plus petits mais très polyvalents, capables de missions de reconnaissance et de surveillance dans des zones avancées, sans nécessiter de soutien constant par des navires habités.

Par ailleurs, le programme des drones sous-marins extra-larges (XLUUV), avec la célèbre classe Orca développée par Boeing, poursuit sa course à la sophistication. Ces engins hybrides diesel-électriques sont conçus pour des missions secrètes, telles que l’interdiction maritime, la guerre des mines ou la reconnaissance sous-marine. Leur taille et leur autonomie font d’eux des outils redoutables, capables d’opérer loin des bases, dans des environnements contestés.

DARPA et la technologie de pointe : le programme Manta Ray

En parallèle, la Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA) explore les limites de l’autonomie sous-marine avec le programme Manta Ray. Ce projet vise à valider des UUV (Unmanned Underwater Vehicles) ultra-endurants, modulaires et capables d’un assemblage rapide sur le terrain – une avancée logistique majeure qui pourrait transformer la manière dont ces systèmes sont déployés en zone de conflit.

Le prototype développé par Northrop Grumman a déjà passé avec succès ses tests en mer, démontrant une maniabilité exceptionnelle et une capacité opérationnelle robuste. Une seconde variante, en cours de tests par PacMar Technologies, se concentre sur la récupération d’énergie en mer, afin d’augmenter encore l’autonomie de ces machines.

Manta Ray raie manta bombardier
Le prototype Manta Ray de Northrop Grumman, un drone sous-marin inspiré de la nature, actuellement en test pour de futures missions autonomes ultra-longue durée. Crédits : Northrop Grumman

Pourquoi miser sur les sous-marins autonomes ?

Le développement de ces véhicules répond à plusieurs besoins stratégiques cruciaux. D’abord, ils permettent d’étendre la portée opérationnelle sans exposer les équipages humains aux risques inhérents des zones de guerre sous-marine, souvent saturées de dispositifs anti-sous-marins et de systèmes de surveillance sophistiqués.

Ensuite, la modularité des charges utiles permet une polyvalence inédite : un seul véhicule peut successivement assurer des missions de renseignement, de guerre électronique, ou même de lutte contre les mines. Cette capacité réduit les coûts et accroît la flexibilité tactique des forces navales.

Enfin, dans un contexte géopolitique marqué par la rivalité croissante entre grandes puissances, notamment dans la région Indo-Pacifique, la maîtrise des espaces sous-marins devient un élément clé de la supériorité militaire.

Les défis techniques et logistiques

Toutefois, ces innovations ne sont pas sans défis. La conception de véhicules autonomes à grande échelle nécessite des progrès considérables en intelligence artificielle, en gestion énergétique, en communication sous-marine, et en intégration de systèmes modulaires. De plus, le déploiement opérationnel implique une logistique complexe pour le soutien, la maintenance et la coordination avec les forces habitées.

La possibilité d’assemblage rapide sur le terrain, expérimentée par DARPA, illustre justement l’importance de pouvoir déployer ces véhicules de manière agile et efficace, même dans des zones éloignées ou contestées.

Vers une nouvelle ère de la guerre sous-marine

L’initiative Ocean Explorer et ses programmes frères ne représentent pas seulement un progrès technologique : ils marquent une évolution stratégique majeure dans la façon dont la puissance navale sera exercée dans les décennies à venir. Ces drones sous-marins autonomes, à la fois gigantesques et intelligents, pourraient bientôt devenir les sentinelles silencieuses des océans, multipliant les missions, collectant des données en continu, et protégeant les intérêts stratégiques dans des environnements de plus en plus complexes.

La marine américaine mise gros sur cette révolution. En combinant endurance, modularité et autonomie, ces sous-marins robotisés incarnent l’avenir des opérations navales, où hommes et machines travailleront de concert pour dominer les profondeurs.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.