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Les scientifiques de Scripps Research ont découvert un anticorps qui représente un grand pas vers la création d’un antivenin universel, qui serait efficace contre le venin de tous les serpents. Crédit : Simon Townsley

Bientôt un antivenin universel contre les toxines mortelles des serpents ?

Des scientifiques ont franchi une étape majeure vers la création d’un antivenin universel en développant un anticorps capable de neutraliser les toxines mortelles présentes dans les substances libérées par divers serpents d’Afrique, d’Asie et d’Australie.

Comprendre les venins de serpent et l’enjeu des antivenins spécifiques

Les venins de serpent sont des cocktails complexes de protéines, d’enzymes et de peptides. Ces substances varient considérablement d’une espèce à l’autre. Ils contiennent ainsi des éléments qui peuvent provoquer des effets divers, tels que la paralysie musculaire, la destruction des tissus, la coagulation du sang ou la perturbation du système nerveux. Ces animaux utilisent leur venin pour immobiliser, capturer et tuer des proies, se défendre contre les prédateurs ou établir leur dominance territoriale. En conséquence, la diversité des venins reflète la variété des stratégies de chasse et de défense développées par les différentes espèces au fil de l’évolution.

Actuellement, la principale méthode de traitement des morsures de serpent est l’utilisation d’antivenins. Ces derniers sont spécifiques à certaines espèces et sont créés en immunisant des animaux avec des quantités contrôlées de venin. Cependant, cette approche présente des limites importantes, notamment la nécessité de disposer d’antivenins spécifiques pour chaque espèce de serpent venimeux. Cela nous ramène à ces récents travaux.

serpent antivenin
Crédits : liveslow/iStock

Découverte d’un anticorps crucial

Des chercheurs ont effectué une avancée révolutionnaire en mettant au point un anticorps capable de neutraliser les effets des toxines présentes dans les venins de divers serpents d’Afrique, d’Asie et d’Australie. Cet anticorps, appelé 95Mat5, a démontré son efficacité en protégeant des souris exposées au venin de différentes espèces telles que les mambas noirs et les cobras royaux.

Pour opérer, les chercheurs ont adopté une approche novatrice. Ils ont d’abord isolé et comparé les protéines de venin provenant de divers serpents en se concentrant sur un type spécifique de protéine appelé toxines à trois doigts (3FTx). Ces toxines sont présentes chez de nombreux serpents élapidés, tels que les mambas, les cobras et les kraits, et sont responsables de paralysies potentiellement mortelles. L’équipe a ensuite introduit les gènes de différentes toxines à trois doigts dans des cellules de mammifères en laboratoire. Ces cellules ont ensuite produit les toxines qui ont permis aux chercheurs de disposer de formes contrôlées et sûres des substances toxiques.

Dans un second temps, les scientifiques ont utilisé une plateforme innovante pour cribler une vaste bibliothèque d’anticorps humains, comprenant plus de cinquante milliards d’anticorps différents. Ils ont testé ces anticorps pour identifier ceux qui se lient spécifiquement à la protéine 3FTx du krait à plusieurs bandes, une toxine similaire à d’autres 3FTx. En réduisant leur recherche à environ 3 800 anticorps, les chercheurs ont finalement identifié un anticorps appelé 95Mat5 qui présentait les interactions les plus fortes avec plusieurs variantes de toxines. Cet anticorps a montré une réactivité croisée avec différentes toxines, ce qui le rend potentiellement universel.

La perspective prometteuse d’un antivenin universel

L’approche synthétique, qui n’a pas nécessité l’immunisation d’animaux avec du venin réel, représente ici une avancée majeure. Les chercheurs ont en effet pu imiter la structure de la protéine humaine cible des toxines, ce qui ouvre ainsi la voie à un anticorps entièrement synthétique et potentiellement plus sûr pour le traitement des morsures de reptiles.

Ce développement offre donc une perspective prometteuse pour la création d’un antivenin universel capable de traiter les morsures causées par différentes espèces. L’anticorps 95Mat5 pourrait notamment représenter un moyen efficace de lutter contre les morsures dans les régions où la diversité des serpents rend la production et la distribution d’antivenins spécifiques difficile. Cette avancée scientifique ouvre également la voie à des recherches complémentaires visant à identifier des anticorps capables de neutraliser les venins d’autres groupes de serpents, afin de créer un cocktail d’anticorps offrant une couverture encore plus étendue.

Pour rappel, les morsures de ces animaux provoquent encore aujourd’hui plus de 100 000 décès chaque année dans le monde entier.

Les détails de ces travaux sont publiés dans la revue Science Translational Medicine.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.