Comment les cachalots ont déjoué les baleiniers au 19e siècle

cachalots baleiniers
Crédits : British Library

À une époque, les baleiniers ont eu de plus en plus de mal à cibler les cachalots du Pacifique Nord. Une analyse des journaux de bord suggère que les mammifères marins avaient rapidement appris de leurs erreurs pour éviter les harpons, transmettant ensuite leurs connaissances à d’autres groupes.

La chasse au grand cachalot s’est opérée de manière industrielle au 18e siècle, avant de décliner vers la fin du 19e. Une fois leurs cibles verrouillées, les baleiniers mettaient à l’eau de petites embarcations et ramaient jusqu’à elles. Ils saisissaient alors leurs harpons et tentaient de les planter dans la chair des animaux. Cette chasse intensive visait à l’exploitation du spermaceti des cachalots, une matière utilisée pour les cosmétiques, le tannage du cuir et comme lubrifiant.

Chasser le cachalot n’a toutefois visiblement pas toujours été simple. « Certains historiens ont en effet suggéré que le taux de succès des baleiniers dans les petites embarcations avait considérablement diminué au cours des premières années d’exploitation industrielle« , note une équipe dans la revue Biology Letters. Était-ce vraiment le cas ? Et si oui, pour quelle raison ?

Baisse du taux de réussite

Pour tenter de le comprendre, des chercheurs ont analysé les journaux de bord récemment numérisés tenus par les baleiniers lors de leurs voyages de chasse dans le Pacifique Nord milieu du 19e siècle. Ils ont alors constaté que les taux de frappe des chasseurs avaient diminué de 58% en quelques années seulement. Comment l’expliquer ? Les baleiniers n’étaient pas « moins doués ». En réalité, les auteurs estiment que les mammifères avaient appris des rencontres mortelles de leurs congénères.

« Au début, les baleines ont réagi à la nouvelle menace des chasseurs humains exactement de la même manière qu’elles le faisaient à l’égard de l’épaulard, qui était leur seul prédateur à l’époque« , explique Hal Whitehead, de l’Université Dalhousie en Nouvelle-Écosse. « Les cachalots se rassemblaient à la surface, plaçaient les petits au centre et tentaient de se défendre en mordant ou en frappant les embarcations avec leur queue« . Le problème est qu’en agissant ainsi, les cachalots se jetaient « dans la gueule du loup ».

cachalots baleiniers
Crédits : Biodiversity Heritage Library

Adaptation et partage de connaissances

Les baleines, en revanche, semblent avoir appris de leurs erreurs, et celles qui ont survécu se sont rapidement adaptées. Au lieu de recourir à ces anciennes tactiques, les baleines privilégiaient alors la fuite ou la plongée en eaux profondes. Surpris, « les baleiniers eux-mêmes ont décrit des méthodes défensives« , détaillent les chercheurs.

Il semblerait que ces tactiques se soient ensuite répandues à travers les différents groupes de cachalots. Ces leçons ont alors été rapidement intégrées, selon l’interprétation des données par les chercheurs. Et bientôt, même des individus qui n’avaient jamais été attaqués ont appris à suivre l’exemple de ceux qui s’étaient déjà « frottés » aux Hommes.

Chaque groupe de cachalots que vous rencontrez en mer comprend généralement deux ou trois unités familiales et ces unités se séparent assez souvent pour former d’autres groupes. Ces structures favorisent ainsi le partage des informations. Que ces données aient été partagées n’est pas réellement surprenant compte tenu de nos connaissances actuelles sur ces animaux. En revanche, la vitesse de transmission de ces connaissances a surpris les chercheurs.

Une amélioration des navires et des outils a finalement permis aux chasseurs de reprendre le dessus. Au milieu des années 1900, les baleiniers pouvaient tuer jusqu’à 25 000 cétacés par an, épuisant considérablement la population mondiale. La commission baleinière internationale a finalement proclamé la pleine protection de l’espèce en 1985. Son statut de conservation est aujourd’hui défini par l’UICN comme « vulnérable ».