Le baiser, symbole dâamour par excellence en Occident, serait en rĂ©alitĂ© une pratique inconnue pour un trĂšs grand nombre de cultures prĂ©sentes Ă travers le monde. Telle est lâĂ©tonnante conclusion dâune Ă©tude amĂ©ricaine rĂ©cemment publiĂ©e dans la revue American Anthropologist. Explications.
Si le fait dâembrasser langoureusement son partenaire amoureux peut paraĂźtre banal dans la plupart de nos sociĂ©tĂ©s occidentales, cette pratique nâen resterait pas moins marginale Ă lâĂ©chelle du monde. Câest en tout cas la conclusion dâune nouvelle Ă©tude menĂ©e par des chercheurs de lâuniversitĂ© dâIndiana en rĂ©ponse Ă de prĂ©cĂ©dents travaux, qui avaient quant Ă eux montrĂ© que le baiser Ă©tait un comportement quasi universel, partagĂ© par 90 % des cultures.
« Nous avons Ă©mis lâhypothĂšse que certaines cultures ne sâadonnaient pas au baiser romantique [ou] sexuel, ou quâelles trouvaient que câĂ©tait un Ă©trange Ă©talage dâintimitĂ©, et nous avons Ă©tĂ© surpris de trouver que câĂ©tait le cas dans une majoritĂ© des cultures », a dĂ©clarĂ© Justin Garcia, chercheur au Kinsey Institute de lâuniversitĂ© de lâIndiana, relayĂ© par lâAFP.
Pour arriver Ă ce constat, le professeur Garcia et son Ă©quipe ont analysĂ© pas moins de 168 cultures Ă travers le monde en utilisant des mĂ©thodes dâanalyse interculturelle standards. En premier lieu, ils ont ainsi Ă©tudiĂ© des documents dĂ©jĂ existants relatifs Ă 155 sociĂ©tĂ©s issues des neuf principales « aires culturelles » de la planĂšte (Afrique, Asie, Europe, AmĂ©rique centrale, AmĂ©rique du Nord, AmĂ©rique du Sud, CaraĂŻbes, Moyen-Orient et lâOcĂ©anie). Puis, pour complĂ©ter les informations rĂ©coltĂ©es, les chercheurs ont ensuite contactĂ© 88 ethnologues parmi lesquels seulement 28 ont pu apporter des renseignements quant Ă la pratique du baiser dans les cultures quâils avaient Ă©tudiĂ©.
Finalement, en recoupant lâensemble de ces donnĂ©es, les chercheurs de lâuniversitĂ© dâIndiana sont arrivĂ©s Ă la conclusion que seulement 46 % des 168 cultures Ă©tudiĂ©es pratiquent le baiser sur la bouche, quâil soit court ou langoureux. « Cela nous rappelle Ă quel point notre ethnocentrisme occidental peut influencer la maniĂšre dont nous envisageons les comportements humains », a expliquĂ© le professeur Garcia.
En outre, les scientifiques ont notĂ© une importante disparitĂ© en fonction des rĂ©gions. Le Moyen-Orient serait par exemple une zone gĂ©ographique oĂč le fait dâembrasser son partenaire ferait couramment partie des mĆurs, puisque 10 des cultures Ă©tudiĂ©es considĂšrent cette action comme tout Ă fait normale. Ă lâinverse, la pratique du baiser semble totalement absente des sociĂ©tĂ©s analysĂ©es en AmĂ©rique Centrale, en Afrique Sub-Saharienne, en Nouvelle-GuinĂ©e ou dans la rĂ©gion amazonienne. Enfin, seulement 55 % des cultures Ă©tudiĂ©es en AmĂ©rique du Nord considĂšrent cette pratique comme normale, contre 70 % en Europe et 73 % en Asie.
Une question se pose alors naturellement : comment expliquer une si grande variabilitĂ© entre ces diffĂ©rentes rĂ©gions du monde par rapport Ă cette pratiqueâ? Bien quâil nâest pas encore possible de rĂ©pondre de façon formelle Ă cette interrogation, les chercheurs ont nĂ©anmoins remarquĂ© une corrĂ©lation positive entre le « degrĂ© de stratification » dâune sociĂ©tĂ© et la pratique du baiser. En dâautres termes, plus une sociĂ©tĂ© serait organisĂ©e de façon complexe et plus ses membres seraient susceptibles dâembrasser leurs partenaires amoureux.
Pour autant, en partant du constat que le baiser a Ă©tĂ© observĂ© chez certains grands singes (chimpanzĂ©s et bonobos) et quâil est certainement utilisĂ© chez lâHomme pour recueillir des informations sur son partenaire via lâĂ©change de phĂ©romones, il est vraisemblable de penser quâil puisse Ă©galement revĂȘtir une composante Ă©volutive. Si tel est le cas, il faudra alors dĂ©terminer ce qui a poussĂ© tant de sociĂ©tĂ©s Ă renoncer totalement à cette pratique…
Sources : AFP â Metro
– CrĂ©dits photo : Sasha Kargaltsev